Le premier procès au pénal de Deliveroo pour travail dissimulé s’est achevé le 16 mars 2022 : le parquet a requis la peine maximale de 375 000 euros d’amende et un an de prison avec sursis pour les deux dirigeants de la filiale française du géant de la livraison. Le tribunal a établi, comme à chaque fois dans ce genre d’affaire, qu’un lien de subordination existait bien entre la société et ses livreurs.
Deliveroo a déjà fait face à plusieurs procès en France pour travail dissimulé devant les prud’hommes, ayant toujours abouti à une requalification en contrat de travail du lien entre ses livreurs et la société, à cause d’un lien de subordination manifeste.
Premier procès au pénal pour Deliveroo en France pour travail dissimulé
Mais, pour la première fois, mi-mars 2022, la société de livraison et trois de ses anciens cadres dirigeants comparaissaient au pénal en France, devant le tribunal correctionnel de Paris, face à plus d’une centaine de livreurs, constitués parties civiles. L’affaire concerne la période 2015-2017.
Au terme de cinq jours d’audience, le parquet a requis la peine maximale pour ce type d’affaire, à savoir 375 000 euros d’amende pour la plateforme. La procureure a estimé que Deliveroo avait « instrumentalisé et détourné la régulation du travail » pour organiser une « dissimulation systémique » du statut des livreurs, qu’elle aurait dû salarier au lieu de les employer en tant qu’indépendants.
Le parquet requiert la peine maximale pour Deliveroo
Le réquisitoire conclut notamment que le lien de subordination entre Deliveroo et ses livreurs était établi par « un faisceau d’indices », ce qui concernait « des milliers de travailleurs » : directives, contrôles (délais de livraison, itinéraires, indicateurs de performance…), sanctions, mode et niveau de la rémunération, fixation des horaires… Un cadre bien loin d’une simple mise en relation entre restaurateurs et clients.
Le parquet a également requis l’affichage et la diffusion de la décision de justice sur la page d’accueil du site et de l’application, ainsi que devant les locaux de l’entreprise pendant deux mois. La procureure a également réclamé la confiscation des trois millions d’euros saisis par l’Urssaf pendant la procédure.
Les anciens dirigeants de Deliveroo France risque de la prison avec sursis
Le parquet a aussi proposé de condamner les deux dirigeants de Deliveroo France de l’époque, Adrien Falcon et Hugues Decosse, à un an d’emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d’amende. L’ancien directeur des opérations, Elie de Moustier, pourrait écoper, quant à lui, de quatre mois de prison et 10 000 euros d’amende.
L’avocat de Deliveroo et des trois anciens dirigeants a plaidé la relaxe. L’entreprise a déclaré, via un communiqué, qu’elle « conteste catégoriquement l’ensemble des chefs d’accusation », tout en précisant aussi que son modèle avait été « largement modifié » depuis 215-2017.
Une communication pour le moins bancale : Deliveroo conteste l’accusation – comme si rien de ce qu’on lui reprochait n’était réel –, tout en affirmant qu’elle a modifié ses pratiques managériales depuis – comme si, effectivement, son comportement posait problème.
Décision attendue pour le 19 avril 2022
La décision du tribunal correctionnel est attendue pour le 19 avril 2022. Peu de chance que la relaxe soit prononcée, tous les procès précédents ayant établi que le lien de subordination était bien réel. La condamnation de Deliveroo semble donc plus que probable, à voir quelle condamnation décidera le juge.
De façon plus globale, la Commission Européenne finalise une directive sur travail et plateformes numériques. Elle établirait notamment une présomption de salariat si les plateformes exercent un certain niveau de contrôle sur ce travail – cas typique de plateforme de VTC et de livraison, en particulier de nourriture.