Piratage : Hadopi, un bilan en demi-teinte, avant une révolution ?

Piratage : Hadopi, un bilan en demi-teinte, avant une révolution ?
Culture et droits d'auteur

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Hadopi vient de présenter son bilan depuis sa création en 2009 : 10 millions de courrier envoyés pour… moins de 3 000 dossiers transmis à la justice. Ce manque de sévérité, couplé à la montée en puissance d’autres techniques de piratage que le téléchargement, nécessite une profonde refonte de l’autorité, annoncée par le gouvernement et validée par des changements à sa tête.

Créé en 2009 à grand renfort de communication, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) avait pour mission de faire reculer le téléchargement illégal en France.

Dix ans, dix millions d’avertissement, moins de 1 000 condamnations…

Son grand principe est celui de la « riposte graduée » : l’internaute contrevenant a droit à deux avertissements s’il est pris la main dans le sac à télécharger illégalement des contenus protégés par le droit d’auteur. A la troisième incartade, le dossier était transmis à la justice.

La Hadopi vient de présenter son bilan d’activité depuis sa création, soit presque 10 ans de lutte contre le piratage sur Internet. D’après les statistiques du gouvernement, la Hadopi a envoyé 10 380 000 courriels de premier avertissement, puis 920 000 courriers de second avertissement, pour seulement 2 904 dossiers transmis à la justice !

Sur ces dossiers, moins de 1 000 (910 exactement) ont reçu une réponse pénale, dans la majorité des cas une alternative aux poursuites (indemnisations des ayant droit, versement d’une amende, rappel à la loi, etc.). Pour le dire autrement, en dix ans, la Hadopi a amené devant les tribunaux moins de mille pirates en France ! Rien qui dissuade réellement une majorité des particuliers de continuer à regarder des contenus piratés.

Un répression peu dissuasive, aucune action sur le streaming ou le téléchargement direct

Au-delà de cette répression peu dissuasive, la Hadopi souffre, depuis sa création, de ne s’attaquer qu’à une partie du piratage, le téléchargement en peer-to-peer. Le streaming et le téléchargement direct ne sont pas visés par sa riposte graduée.

Résultat : le pourcentage de pirates dans les internautes français n’a pas baissé depuis la création de l’autorité, se maintenant entre 25 et 32% suivant les années. Et si le téléchargement en P2P recule régulièrement en France, l’augmentation du streaming illégale compense largement ce recul.

Certes, depuis deux ans le nombre de piratages baisse légèrement en France, mais en la matière la responsabilité de la Hadopi semble faible face à la fermeture de sites de téléchargement direct et de streaming illégal, ainsi que l’avènement d’offres de streaming légal par abonnement (Netflix, Amazon Prime…).

Une volonté gouvernementale de donner à la Hadopi les moyens de ses ambitions

Pour toutes ces raisons, la Hadopi n’est pas, en l’état, adaptée à ce qui était sa mission à l’origine, être à la pointe de la lutte contre le piratage en France. Le gouvernement en a conscience, et a affirmé à la fin de l’année 2017 sa volonté de faire évoluer la Hadopi et la doter de moyens législatifs nouveaux pour lutter réellement contre le piratage tel qu’il se pratique aujourd’hui, c’est à dire via les sites de streaming.

Le livret sur les budgets des Autorité Publiques Indépendantes (API) pour 2018-2020 précise ainsi que la Hadopi va devenir « un tiers de confiance dans la caractérisation des sites massivement contrefaisants, en coopérant avec les ayants droit, en vue de renforcer l’efficacité et la pérennité des mesures judiciaires de blocage ou de déréférencement de ces sites ».

Une nouvelle direction, bientôt un nouveau nom, pour une nouvelle ère ?

Pour accompagner cette mutation, la Hadopi vient d’ailleurs de changer de tête : Denis Rapone a ainsi été nommé président en mars 2018, Pauline Blassel secrétaire générale en juillet 2018.

Parmi les leviers dont pourraient disposer la nouvelle Hadopi (qui pourrait d’ailleurs changer de nom pour marquer le changement d’ère) figurent le blocage des sites illicites, un suivi de la liste des liens à neutraliser, l’assèchement des sources de financement, le retrait des moteurs de recherche et l’établissement d’une liste noire de sites pirates.

Pour être utilisables, certains nécessite une évolution des lois : la balle est dans le camp du gouvernement, pour enfin doter l’autorité des armes dont elle a besoin pour lutter efficacement contre le piratage, sous toutes ses formes.