Cambridge Analytica, publicités russes : le système Facebook face à ses limites

Cambridge Analytica, publicités russes : le système Facebook face à ses limites
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Facebook est actuellement pris dans deux scandales liés à la présidentielle américaine, celui des publicités achetées par la Russie, celui des détournements de données par Cambridge Analytica pour soutenir la campagne de Donald Trump. Et si la responsabilité du réseau social n’est pas directement engagée, sa politique et ses détournements posent question. Décryptage.

Les 2 milliards d’utilisateurs de Facebook suscitent convoitises et controverses, depuis l’avènement du réseau social ou presque, mais son impact dans la campagne présidentielle américaine de 2016 pose clairement question. Deux affaires illustrent pleinement les ambiguïtés d’un réseau social au pouvoir devenu incontrôlable.

10 millions d’Américains ont vu les publicités russes visant à créer clivage et confusion

La première agitent les relations diplomatiques entre la Russie et les Etats-Unis depuis plusieurs mois. Le Congrès a lancé une enquête sur l’influence des publicités et des réseaux sociaux sur l’élection présidentielle de 2016 ; dans ce cadre, Facebook a déclaré, à l’automne 2017, avoir identifié environ 500 faux comptes ayant acheté pour 100 000 dollars de publicités.

Ces publicités ont été vues par environ 10 millions d’utilisateurs du réseau social aux Etats-Unis : « La plupart des publicités semblent se concentrer sur des messages sociaux et politiques conflictuels couvrant un large spectre idéologique, depuis les droits des LGBT jusqu’aux questions de race ou d’immigration, en passant par la problématique des armes à feu. Un certain nombre d’entre eux semblent encourager les gens à suivre des pages sur ces questions » a déclaré Elliot Schrage, vice-président des politiques et des communications de Facebook.

Et toutes ces publicités, comme tous les faux articles liés à ces mêmes thématiques publiés sur le réseau social, visaient à créer davantage de clivage et de confusion dans l’opinion publique américaine – ayant, in fine, encouragé la perte de confiance dans la politique et l’élection de Donald Trump.

Cambridge Analytica : les données de 50 millions de compte dérobées

Samedi 17 mars 2018, le New York Times révélait la seconde affaire : en 2014, un professeur de Cambridge, Aleksandr Kogan a créé une application Facebook présentée comme « une application de recherche utilisée par les psychologues ». Il a ainsi obtenu un accès légal aux données de 270 000 utilisateurs grâce à la fonction de connexion Facebook.

Le soucis, c’est qu’à l’époque, les règlements de Facebook permettaient aux développeurs d’accéder aux données des utilisateurs testant leur application, mais aussi à leur réseau d’ami (une disposition depuis supprimée). Le bon professeur a ainsi mis la main sur les données de 50 millions d’utilisateurs du réseau social. Qu’il a gentiment transmises à une entreprise nommée Cambridge Analytica, prestataire de la campagne de Donald Trump.

En 2015, Facebook apprend cette transmission de données, et exige des contrevenants qu’ils suppriment immédiatement ces données. Le réseau social a reçu des certifications attestant cette destruction – qui n’avait, en réalité, pas eu lieu.

Facebook doit-il assumer une responsabilité quand il est ainsi trompé ?

Comme pour l’affaire des publicités russes, Facebook n’a rien fait d’illégal – et n’a pas été non plus victime d’un hack ou d’une attaque pour se faire dérober des données. Dans l’affaire Cambridge Analytica, le réseau social a été trompé, par deux fois. Pour autant, et même si Facebook a depuis fait évoluer son fonctionnement (rendant impossible une telle fuite de données par ce biais aujourd’hui), le géant du web est-il exempt de toute responsabilité de ces affaires ?

La plateforme, de par son impact mondial, est régulièrement détournée à des fins politiques ou commerciales, et rarement pour le meilleur. Ces deux exemples ne sont que les plus médiatiques des derniers mois – et ceux dont les conséquences politiques furent sans doute les plus fortes.

La tentation de la régulation : un grand pouvoir implique de grandes responsabilités !

De quoi faire renaître les envies de régulation du Congrès américain : « Il est clair que ces plateformes ne peuvent pas s’auto-réguler. Ils disent ‘faites-nous confiance’. Mark Zuckerberg doit témoigner devant le Sénat «  a tonné Amy Klobuchar, la sénatrice démocrate du Minnesota. Facebook touche aux limites de son influence et d’une attitude consistant à se laver les mains de tout ce qui se passe sur ses pages.

Le réseau social en a conscience : à un moment charnière de son histoire, il doit convaincre ses utilisateurs et les décideurs politiques que de telles dérives ne se reproduiront plus. Sous peine de voir son activité limitée – ou, du moins, fortement contrôlée.