Russie : Wikimedia fait appel de sa condamnation pour désinformation

Russie : Wikimedia fait appel de sa condamnation pour désinformation
Événements

La fondation Wikimedia, qui finance l’encyclopédie en ligne Wikipedia, a décidé de faire appel de sa condamnation par la justice russe d’une amende de 60 000 euros pour désinformation. Certes, il est évident que cet appel n’aboutira pas. Mais, symboliquement, Wikimedia entend marquer le coup. Et assumer pleinement sa défense de la liberté d’expression.

« La fondation Wikimedia estime que les informations publiées sur Wikipédia doivent être protégées par la liberté d’expression et ne constituent pas de la désinformation, contrairement aux conclusions du tribunal ».

Wikimedia conteste sa condamnation pour désinformation par le tribunal de Moscou

C’est par ces mots que s’ouvre le communiqué publiée par la fondation Wikimedia pour justifier sa décision de faire appel de sa condamnation, le 8 avril 2022, à 60 000 euros d’amende pour « désinformation », par le tribunal de Moscou.

La justice russe reprochait à la fondation la teneur d’une dizaine de pages de Wikipédia, rédigées en langue russe, et détaillant les tenants et les aboutissants de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.

Évidemment, ces pages s’appuyaient sur des sources fiables, et s’écartaient très largement de la doxa du Kremlin sur ce sujet. Le commentaire du Roskomnadzor, le régulateur russe d’Internet, était d’ailleurs limpide sur cette question.

« L’opération militaire spéciale visant à protéger les Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk »

Il indiquait notamment que ces pages contenaient « des informations inexactes sur l’opération militaire spéciale visant à protéger les Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk pour la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine ».

La justice étant aux ordres de Moscou, l’appel n’a aucune chance d’aboutir. Mais c’est l’occasion, pour Wikimedia, de rappeler son positionnement en faveur de la liberté d’expression, de la démarche scientifique et de la vérification des sources.

Wikimedia estime que la Russie n’a aucune juridiction sur elle

« Cette décision de justice implique que des informations sourcées et vérifiées, mais qui contredisent les affirmations du gouvernement russe constituent de la désinformation. Nous demandons à la justice de revenir sur sa décision au bénéfice de l’accès de tous et toutes à la connaissance et à la liberté d’expression », précise le responsable des affaires juridiques de Wikimédia, Stephen LaPorte.

Wikimedia en profite également pour souligner que la fondation se contente de financer et d’organiser la publication des différentes versions de l’encyclopédie. Mais qu’elle n’exerce aucun contrôle éditorial sur ce qui y est publié. La charte de l’encyclopédie, qui impose un style universitaire et l’utilisation de sources solides, est le seul garde-fou imposé à la communauté de contributeur.

La fondation rappelle donc que la Russie n’a aucune juridiction sur elle, puisqu’elle n’est pas l’éditeur de la version russe de Wikipédia…

Opération « place nette » sur l’Internet et les médias russes

Au lendemain de l’entrée des troupes russe en Ukraine, le Roskomnadzor s’était lancé dans une vaste opération pour purger l’Internet russe de toute voix dissidente de celle du Kremlin.

Le régulateur avait notamment ordonné le blocage de tous les sites web, pages de réseaux sociaux ou plateformes soupçonnés de publier des informations contraires à la ligne officielle de Moscou sur cette « opération spéciale ».

La Novaïa Gazetta s’enfuit en Lettonie

Menacé de procès et de censure, le dernier média russe indépendant, le tri-hebdomadaire Novaïa Gazetta, avait annoncé le 28 mars 2022 la suspension de sa publication jusqu’à la fin du conflit.

A partir d’avril 2022, il a mis en place une nouvelle édition, baptisée Novaïa Gazeta Europe, et située à Riga, en Lettonie, hors du champ de la censure russe, mais circulant probablement sous le manteau en Russie.

Le rédacteur en chef de Novaïa Gazetta, Dmitri Mouratov, avait obtenu en 2021 le Prix Nobel de la Paix, conjointement avec la journaliste philippine Maria Ressa.