Votée par le Parlement, la loi contre le piratage est entre les mains du Conseil Constitutionnel

Votée par le Parlement, la loi contre le piratage est entre les mains du Conseil Constitutionnel
Culture et droits d'auteur

Menacée d’un report au début de l’année 2022, la très attendue nouvelle loi contre le piratage audiovisuel a finalement été adoptée par le Parlement fin septembre 2021. Elle va être revue par le Conseil Constitutionnel, qui devra notamment estimer si les contraintes imposées aux fournisseurs d’accès à Internet ne sont pas en contradiction avec la législation européenne sur la neutralité du net.

La « loi sur la protection des œuvres culturelles » a finalement été votée, le 29 septembre 2021 par le Parlement. Le texte, présenté en avril 2021 au Conseil des Ministres, avait fait l’objet d’une première lecture devant le Sénat puis l’Assemblée Nationale en mai 2021, avant qu’une commission mixte paritaire ne présente ses conclusions début juillet 2021.

La loi contre le piratage finalement adoptée par le Parlement fin septembre 2021

Au cœur de l’été, plusieurs rumeurs avaient fait état d’un possible report au début de l’année 2022. Mais la loi a finalement été inscrite au calendrier législatif de la rentrée 2021, et, le 29 septembre 2021, le Parlement l’a adoptée à une large majorité. Le Conseil Constitutionnel doit désormais l’étudier avant sa promulgation.

Il s’agit enfin du texte contre le piratage audiovisuel annoncé par la majorité présidentielle depuis le début de l’actuelle mandature. Intégré dans la Loi Audiovisuelle (annulée à cause de la crise du Covid-19), ce volet anti-piratage a donc eu droit à sa loi dédiée (même si certaines mesures sur les retransmissions sportives, notamment le blocage dynamique, ont été incluses dans la « loi pour démocratiser le sport »).

« Le piratage est toujours un pillage »

« Le piratage est toujours un pillage : pillage d’une œuvre et pillage des droits des créateurs. Nous créons les outils pour que ces pratiques cessent. Nous poursuivrons ce combat », a martelé Aurore Bergé, députée et rapporteuse du texte.

D’un point de vue institutionnel, cette loi acte la fusion à venir de la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI) et du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en une nouvelle entité, l’Autorité de Régulation de la COMmunication audiovisuelle numérique, ou ARCOM.

L’ARCOM pratiquera toujours la riposte graduée…

En matière de lutte contre le piratage, la nouvelle loi conserve le principe de la riposte graduée de la HADOPI, mais en l’étendant des réseaux de peer-to-peer aux téléchargement direct, au streaming et à l’IPTV illégale.

Si l’ARCOM identifie qu’une adresse IP sert à pirater une œuvre audiovisuelle ou une retransmission sportive, l’internaute recevra ainsi une mise en garde lui réclamant de prendre des mesures contre cette utilisation illégale de sa connexion. En cas de récidive, des sanctions pourraient être prises.

… mais visera en priorité le blocage des sites et plateformes pirates

Reste que la logique de loi est plutôt de viser les sites, les services et plateformes pirates pour en bloquer l’accès plutôt que de criminaliser les internautes. Cette ambition s’appuie notamment sur la création d’une liste noire, mise à jour en temps réel, que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) seront tenus de bloquer, et les moteurs de recherche de déréférencer.

Le dispositif sera complété par une lutte contre les sites miroirs, permettant d’ajouter à cette liste noire tout site de ce type. Le texte comporte aussi un ensemble de dispositions permettant d’interrompre en quelques minutes les flux illégaux (streaming ou IPTV) de compétitions sportives, afin de décourager les internautes d’utiliser ce procédé.

La loi contre le piratage devant le Conseil Constitutionnel

L’ensemble offre ainsi un arsenal plus robuste pour lutter avec les techniques de piratage actuelles. Reste à savoir quelles parades trouveront les pirates face à ces mesures. Mais, avant tout, il vaut que le Conseil Constitutionnel valide le texte en l’état.

En avril 2021, l’autorité indépendante de régulation des télécoms, l’Arcep, avait en effet émis des réserves sur la loi contre le piratage, en particulier sur l’obligation faite aux FAI de bloquer l’accès à des sites ou contenus. L’Arcep soulignait que ce point entrait en contradiction avec les règlements européens consacrant le principe d’un Internet ouvert et de la neutralité du net.

L’Arcep craignait que la loi ne soit en contradiction avec la neutralité du net

« Si le règlement prévoit bien que les FAI peuvent déroger à l’interdiction d’appliquer des mesures de gestion de trafic, dont font partie les mesures de blocage, […] il prévoit que ces obligations doivent être proportionnées. Or, la proportionnalité des mesures envisagées pose fortement question », pointait à l’époque l’Arcep.

Reste à savoir ce qu’en penseront les Sages du Conseil Constitutionnel… Pour rappel, le piratage audiovisuel représente chaque année un manque à gagner d’un milliard d’euros pour les secteurs audiovisuels et sportifs, avec des conséquences directes sur le financement de la création culturelle et de la pratique sportive amateur.