Harcèlement sexuel : Blizzard, Ubisoft, le ras-le-bol des salariés

Harcèlement sexuel : Blizzard, Ubisoft, le ras-le-bol des salariés
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Accusé par la justice américaine d’avoir mis en place une « culture de harcèlement sexuel constant » et de discriminer les employés selon leur genre, l’éditeur de jeux vidéos Blizzard Activision a réagi officiellement en minimisant et niant les faits, provoquant une vague de protestation de ses salariés. Près d’un tiers des employés du studio ont signé une lettre ouverte très critique, qui a débouché sur une grève. Les salariés d’Ubisoft ont depuis apporté leur soutien à leurs collègues de Blizzard, en critiquant leur propre direction et en appelant à repenser en profondeur les conditions de travail dans les studios de jeux vidéos.

Les studios de jeux vidéos ne sortent pas de la tourmente des accusations de harcèlement sexuel et de discrimination de genre. Ubisoft, Riot Games, maintenant Blizzard Activision… Il semblerait que la culture du viol et le patriarcat triomphant demeurent des piliers de l’industrie du jeu vidéo.

Blizzard Activision accusé de harcèlement sexuel permanent par la justice californienne

Mais la donne est en train de changer, et les révélations à charge se succèdent. La dernière affaire en date vise l’éditeur de Call of Duty et Warcraft. Fin juillet 2021, une plainte du département en charge de l’équité au travail et dans le logement en Californie (DFEH) vise en effet Blizzard Activision pour une « culture de harcèlement sexuel constant » et une discrimination de genre systémique.

Le DFEH a réuni de nombreux témoignages d’employés faisant état de propos sexistes et même d’agressions sexuelles. Les responsables hiérarchiques mis au courant de ces faits auraient majoritairement couverts les coupables, voire y auraient pris part.

Blizzard nie en bloc, provoquant la colère de ses salariés

Blizzard Activision a alors décidé de réagir par le dénis, en affirmant que toute les accusations de harcèlement par des employés ont donné lieu à des sanctions, et que la plainte du DFEH repose donc sur « des descriptions déformées voire fausses du passé ». « C’est l’exemple type de manoeuvres irresponsables lancées par bureaucrates, qui conduisent beaucoup des entreprises les plus florissantes de l’État à quitter la Californie », conclue avec virulence le studio de jeu vidéo.

Mais cette prise de position n’est pas du tout passé auprès des employés. La réaction a été immédiate. Près d’un tiers des salariés ont signé une lettre ouverte mettant la direction de Blizzard Activision devant ses responsabilités : « Affirmer que les témoignages accusant l’entreprise sont ‘déformés voire dans de nombreux cas, faux‘ crée un environnement professionnel dans lequel les victimes ne sont pas crues », attaquent les salariés en colère.

Les salariés de Blizzard se mettent en grève pour protester

« Les responsables du groupe affirment que des actions seront prises pour nous protéger, mais au vu de la plainte déposée — et de la réponse officielle perturbante qui a suivi — nous ne faisons pas confiance aux dirigeants pour mettre la sécurité de leurs employés avant leurs intérêts. Affirmer que cette plainte est ‘sans fondement et irresponsable‘, alors que tant de personnes anciennement ou actuellement employées dénoncent des faits de harcèlement et d’abus, c’est tout simplement inacceptable », continuent les salariés de Blizzard.

La direction du groupe a alors modéré sa communication. Mais sans calmer les salariés, qui se sont lancés dans une grève, demandant à la direction une refonte totale de la politique de Blizzard en matière de harcèlement et d’égalité de genre.

Les employés d’Ubisoft, au soutien de ceux de Blizzard, accusent leur propre direction d’inaction

Les équipes d’Ubisoft ont alors immédiatement apporté leur soutien à leurs collègues : « Nous vous croyons, nous sommes debout avec vous et nous vous soutenons  », énonce une lettre ouverte signée par 500 salariés du studio français.

Les salariés d’Ubisoft en ont profité pour critiquer les méthodes employées par leur propre direction pour régler les problèmes de harcèlement sexuel dans l’entreprise. Faisant face à des accusations d’ampleur, et après avoir licencié plusieurs responsables accusés de harcèlement, Ubisoft avait pourtant affirmé publiquement vouloir éradiquer ce fléau.

« Nous n’avons rien vu de plus qu’une année de belles paroles, de promesses vaines et une incapacité ou une réticence à limoger des coupables connus  », accusent les salariés. Selon eux, seuls les coupables dont les noms sont sortis dans la presse ont été licenciés. « Vous avez laissé les autres continuer ou, pire, vous les avez promus, les bougeant de studio en studio, d’équipe en équipe, leur donnant seconde chance après seconde chance, sans aucune répercussion. Ce cycle doit cesser  », affirment-ils.

Un appel à réformer le monde du jeu vidéo

Les salariés d’Ubisoft concluent en élargissant le débat, et en appelant à rénover en profondeur les pratiques dans les studios de jeux vidéos dans le monde entier : « Nous proposons à Activision Blizzard, à Ubisoft, à d’autres éditeurs et à des développeurs de collaborer pour aboutir à un ensemble de règles et de processus pour gérer ces soucis. Cette collaboration doit impliquer des employés qui ne sont pas dans le management et des représentants syndicaux ». Puissent-ils être entendus…