Le Digital Services Act (DSA) définitivement adopté par le Parlement européen

Le Digital Services Act (DSA) définitivement adopté par le Parlement européen
Réglementaire

Ce 5 juillet 2022, le Parlement européen a voté le Digital Services Act (DSA), ouvrant la voie à son entrée en vigueur dès 2023 pour les plus grandes plateformes numériques. Le DSA vise à responsabiliser ces dernières, en vertu du principe selon lequel « ce qui est illégal hors ligne est illégal en ligne ». Il permettra notamment une meilleure lutte contre les contenus illicites, une plus grande transparence des plateformes (notamment sur leurs algorithmes de recommandation) et une atténuation des risques sociétaux induits par ces plateformes.

Serait-ce bientôt la fin, dans le monde numérique, du « Far-West » décrié par le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton ? C’est du moins l’objectif avoué du Digital Services Act (DSA), texte jumeau du Digital Market Act (DMA), qui visent à réguler (beaucoup !) plus strictement les plateformes en ligne.

Le Parlement européen adopte le DSA, pour mettre fin au « Far-West » des plateformes numériques

Si le DMA s’attaque essentiellement aux pratiques commerciales, le DSA ambitionne de mettre en pratique le principe selon lequel « ce qui est illégal hors ligne est illégal en ligne ».

Présenté fin 2020 par la Commission européenne, adopté une première fois au printemps 2022 par le Parlement et le Conseil européens, il a été retouché par diverses commissions, avant de passer une seconde (et dernière) fois devant le Parlement européen, qui l’a voté ce 5 juillet 2022.

Il devrait être formellement adopté par le Conseil européen en septembre 2022, avant d’entrer en vigueur, en 2024 pour tous les acteurs, dès 2023 pour les plus grandes plateformes numériques.

Responsabiliser (enfin!) les grandes plateformes numériques

Ce texte établit des règles pour responsabiliser les plateformes et lutter contre la diffusions de contenus illicites ou préjudiciables ou de produits illégaux. Il remplacera la directive sur le e-commerce de 2000, devenue parfaitement obsolète.

Les objectifs du DSA sont notamment de :

  • mieux protéger les internautes européens et leurs droits fondamentaux (liberté d’expression, protection des consommateurs…) ;
  • aider les petites entreprises de l’UE à se développer ;
  • renforcer le contrôle démocratique et la surveillance des très grandes plateformes ;
  • atténuer des risques systémiques, tels que la manipulation de l’information ou la désinformation.

Un cas particulier pour les géants du net

Le DSA s’appliquera à tous les intermédiaires en ligne opérant sur le marché européen, qu’ils soient européens ou non, notamment

  • les fournisseurs d’accès à Internet ;
  • les fournisseurs de cloud ;
  • les plateformes en ligne (marketplaces, boutiques d’applications, réseaux sociaux, plateformes de partage de contenus, plateformes de voyage et d’hébergement…).

Le règlement fait un sort particulier aux très grandes plateformes en ligne et aux très grands moteurs de recherche, utilisés par plus de 45 millions d’Européens par mois – au premier chef Google, Facebook ou Amazon.

Première mission du DSA : lutter contre les contenus illicites

Dans le détail, le DSA se donne trois grandes missions. La première est de lutter contre les contenus illicites, dangereux ou préjudiciables. Toute plateforme devra donc proposer un outil de signalement en ligne, retirer tout contenu de ce type, et collaborer avec des « signaleurs de confiance », des entités ou organisations choisies dans chaque pays de l’Union en fonction de leur expertise sur ces questions.

Les places de marché (comme Airbnb ou Amazon) devront mieux tracer les vendeurs et informer les consommateurs sur ces vendeurs.

Deuxième mission : assurer la transparence des plateformes numériques

Deuxième mission : les plateformes devront se montrer plus transparentes sur la modération des contenus. Elles devront ainsi adopter un système de traitement de réclamation pour les utilisateurs dont le compte a été suspendu ou résilié.

Elles devront également expliciter le fonctionnement de leurs algorithmes de recommandation, cesser toute recommandation publicitaire sur base du profilage, ne plus proposer de publicité ciblée aux mineurs, et mettre à disposition du public un registre des publicités contenant diverses informations (qui a parrainé l’annonce, comment et pourquoi elle cible tels individus…).

Troisième mission : réduire les risques sociétaux, notamment via la désinformation

Troisième mission : réduire les risques sociétaux en cas de diffusion de contenus illicites ou de désinformation, via des mesures proportionnées à l’audience des plateformes.

Les très grands acteurs devront notamment :

  • analyser tous les ans les risques systémiques qu’ils génèrent (sur la haine et la violence en ligne, les droits fondamentaux, le discours civique, les processus électoraux, la santé publique…) et prendre les mesures nécessaires pour atténuer ces risques (respect de codes de conduite, suppression des faux comptes, visibilité accrue des sources d’information faisant autorité…) ;
  • effectuer tous les ans des audits indépendants de réduction des risques, sous le contrôle de la Commission européenne ;
  • fournir leurs algorithmes à la Commission et aux autorités nationales compétentes ;
  • accorder un accès aux données clés de leurs interfaces aux chercheurs agréés afin qu’ils puissent mieux comprendre l’évolution des risques en ligne ;
  • mieux protéger les mineurs en ligne.

Si cette batterie de mesures est respectée, les dommages provoquées par les géants du net sur la société pourront enfin être atténués. Le respect de ces mesures sera vérifié dans chaque État par une autorité compétente (en France, l’Arcom). Les très grands acteurs devront verser pour permettre cette surveillance des « frais de supervision », dans la limite de 0,05% de leur chiffre d’affaires annuel mondial.

Des sanction dissuasives

En cas de non-respect du DSA par un de ces très grands acteurs, la Commission européenne pourra infliger des amendes allant jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaire mondial. En cas de violation répétées, le marché européen pourra être fermé à ces plateformes.

Le temps de la régulation des réseaux sociaux, moteurs de recherche et autres géants du net est-il enfin venu ?