Streaming illégal : un tribunal US ordonne le blocage au niveau des FAI

Streaming illégal : un tribunal US ordonne le blocage au niveau des FAI
Culture et droits d'auteur

C’est sans doute l’un des jugements les plus importants dans l’histoire de la lutte contre le piratage audiovisuel aux Etats-Unis : un tribunal vient de condamner trois sites de streaming illégal à de fortes amendes (classique) mais, surtout, a imposé à tous les FAI du pays de les rendre inaccessibles par un blocage DNS, ainsi que leurs éventuels sites miroirs. Cette décision, si elle fait jurisprudence, facilitera grandement la lutte des ayants-droits contre les plateformes de piratage.

En France, la nouvelle loi contre le piratage audiovisuel permet (enfin) d’imposer un blocage des sites illégaux au niveau des Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) et, ce, y compris pour les éventuels sites miroir. La loi s’appuie sur une liste noire des sites interdits, que tous les FAI de France sont tenus de bloquer au niveau du DNS.

Contrairement à la France, les Etats-Unis avaient échoué à imposer un blocage du streaming illégal par les FAI…

Même si cette mesure peut être contourné, elle complexifie considérablement le piratage, et doit permettre d’éloigner une part importante des utilisateurs de ces plateformes.

Aux États-Unis, une loi de ce type avait été présentée voici une dizaine d’années. Mais les législateurs américains n’étaient pas parvenus à l’imposer au Congrès, et elle était tombée aux oubliettes.

… mais un récent jugement vient tout de même d’ordonner un tel blocage !

Mais un récent jugement du tribunal fédéral du district sud de New York tend à prouver que la loi américaine actuelle permet la mise en place de ces injonctions de blocage dynamique par les FAI.

Tout cette histoire commence par Moshe Edery, producteur cinématographique et cofondateur de Screen iL, une plateforme internationale de diffusion de programmes télévisés destinée aux Israéliens vivant à l’étranger.

Il constate que plusieurs sites piratent les contenus de cette plateforme et les diffusent sur Internet. Pire, il s’aperçoit que Mastercard, Visa et American Express fournissent des services de paiement à ces sites, malgré de multiples signalements.

Trois plaintes contre trois sites de streaming pirates

Trois sites sont particulièrement dans son viseur : Israel-tv.com, Israel.tv et Sdarot.tv – ce dernier étant le site de streaming pirate le plus populaire auprès des Israéliens, avec des millions de visiteurs chaque mois.

En 2021, trois sociétés dans lesquels Edery a des intérêt (et dont les contenus sont diffusés sur Screen iL), United King Film Distribution, DBS Satellite Services et Hot Communication, ont déposé trois plaintes pour violation du droit d’auteur devant le tribunal fédéral du district sud de New York, chacune contre l’un des trois sites pirates.

7 650 000 dollars d’amende par site, et une interdiction de continuer de diffuser

Bien évidemment, les administrateurs des trois sites ne se présentent pas au procès. Ils sont classiquement condamnés chacun à une amende de 7 650 000 dollars de dommages et intérêts pour « violation du droit d’auteur liée à 51 œuvres enregistrées appartenant aux plaignants ».

Mais ce sont les injonctions prononcées par le tribunal qui constituent une vraie révolution. Elles précisent en effet qu’il est dorénavant interdit aux opérateurs des trois sites « de porter atteinte aux droits des plaignants, notamment en diffusant en continu, en distribuant ou en mettant à la disposition du public, de quelque manière que ce soit, leurs œuvres protégées par le droit d’auteur ».

Il leur est également interdit « d’exploiter leurs sites Web à partir des domaines existants ou de tout autre domaine qu’ils pourraient utiliser à l’avenir ».

Le tribunal impose à tous les FAI américains d’empêcher l’accès aux sites jugés coupables

Pour s’assurer que cette mesure soit respectée, le tribunal indique que « tous les FAI (…) fournissant des services aux États-Unis devront bloquer l’accès au site Web à toute adresse de domaine connue aujourd’hui (…) ou qui sera utilisée à l’avenir par les défendeurs (…), par tout moyen technologique disponible sur les systèmes des FAI ».

Chaque jugement indique en annexe une liste d’une centaine de FAI américains tenus de bloquer non seulement les domaines actuellement utilisés par les sites pirates, mais aussi ceux qu’ils pourraient utiliser à l’avenir. Les injonctions précisent que cette liste n’est pas exhaustive, et que les ordonnances s’appliquent à tous les FAI opérant sur le sol américain.

Les FAI contesteront-ils ce jugement, ou est-ce le début d’une nouvelle ère aux Etats-Unis ?

Par ailleurs, les trois injonctions « empêchent toute société tierce (y compris les FAI, les hébergeurs, les fournisseurs de CDN, les fournisseurs de DNS, les sociétés de noms de domaine, les services publicitaires, les institutions financières, les processeurs de paiement, etc.) de faire des affaires avec les sites sur leurs domaines actuels ou sur tout nouveau domaine ».

Reste à savoir si l’un des FAI concerné va contester les injonctions : cela serait, objectivement, dans son intérêt, mais lui donnerait une image de complice assumé du piratage, difficile à défendre. Mais si aucun d’entre eux ne conteste ce jugement, nul doute que d’autres ayants-droits vont se servir de cette jurisprudence pour bloquer d’autres sites illégaux.

Ce qui annoncerait une nouvelle ère dans la lutte contre le piratage outre-Atlantique.