DuckDuckGo déclasse les sites propageant de la désinformation russe

DuckDuckGo déclasse les sites propageant de la désinformation russe
Innovation

Ce 10 mars, le fondateur du moteur de recherche DuckDuckGo a annoncé qu’il allait rendre moins visibles les résultats issus de sites propageant la désinformation et la propagande russe. Une rupture assumée dans la neutralité supposée d’un tel outil.

Un moteur de recherche doit-il être neutre ? Peut-il assumer des prises de position, une ligne éditoriale ? Et n’est-ce pas préférable à une logique strictement économique, où les seuls critères de classement des résultats sont leur capacité à générer des revenus pour l’entreprise (en plus des obligations légales, qui forcent ces outils à déréférencer certains sites et sources) ?

La « neutralité » des acteurs du numérique cache souvent un mépris de l’éthique, de la morale et des lois

Ces questions sont au coeur de la transformation numérique de nos sociétés. La prétendue neutralité des plateformes numériques cache en effet souvent des positions éthiques plus que discutables, où la rentabilité semble prendre le pas sur toute forme de morale, si la loi ne les contraint pas.

Qu’il s’agisse de Facebook, son algorithme appelant à la haine et son refus de supprimer des pages favorisant l’esclavage humain, le terrorisme ou les génocides, d’Airbnb et son respect des lois à géométrie variable, de Google qui renvoie son service éthique responsable de l’IA, des forums comme Jeuxvidéos.com qui se déresponsabilisent des raids de harcèlement organisés publiquement par leurs communautés, ou des champions de l’ubérisation comme Uber ou Deliveroo qui se posent en simples intermédiaires et non en employeurs…

Les exemples se multiplient, et montrent que la neutralité d’une plateforme, d’une IA, d’un algorithme, d’un moteur de recherche sont des leurres. Ils cachent presque toujours une simple volonté de maximiser le profit, au mépris de toute morale et de toute éthique.

DuckDuckGo assume son refus de la désinformation russe, pour des raisons éthiques

De ce point de vue, la prise de position récente de DuckDuckGo marquera peut-être un tournant, même si elle a été critiquée. Ce 10 mars 2022, son président-fondateur, Gabriel Weinberg, a pris position contre la propagande russe. Avec un effet direct sur les résultats des recherches du petit canard au nœud papillon.

« Comme tant d’autres, je suis écœuré par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la gigantesque crise humanitaire qu’elle continue de créer. Chez DuckDuckGo, nous avons déployé des mises à jour de recherche qui abaissent le classement des sites associés à la désinformation russe », précise-t-il sur Twitter.

Le moteur de recherche va mettre en avant les « informations de qualité »

Il n’a pas révélé les sites qui allaient être ainsi déclassés. DuckDuckGo va également ajouter des modules et des encarts d’information en haut des résultats de recherche, mettant en valeur les « informations de qualité ».

Certes, Gabriel Weinberg a été repris de volée par une partie de la communauté DuckDuckGo : plusieurs utilisateurs parlent ouvertement de censure, et estiment que le moteur de recherche a perdu sa « liberté ».

Cette décision est pourtant dans la droite file de la « mise en pause » du partenariat de DuckDuckGo avec le moteur de recherche russe Yandex, révélée le 1er mars.

Le numérique en manque criant d’éthique et de morale

Reste à savoir si DuckDuckGo va étendre ses préoccupations éthiques à d’autres champs que la guerre en Ukraine, comme le changement climatique par exemple. Dès que l’on met le pied dans la morale, il est difficile de faire machine arrière sans être accusé d’opportunisme (même si Apple a pu montrer que l’on peut défendre une forme d’éthique et de démarche RSE poussée tout en collaborant avec le régime chinois…).

Etre libre, est-ce être neutre ? La neutralité est-elle seulement possible ? Et ne cache-t-elle pas toujours la vision et la version du plus fort ? Le numérique a besoin d’éthique et de morale. Un besoin criant, urgent, profond. De ce point de vue, difficile de ne pas saluer l’initiative de DuckDuckGo comme un joli pas en avant.