Etats-Unis : Joe Biden part en croisade contre l’évasion fiscale

Etats-Unis : Joe Biden part en croisade contre l’évasion fiscale
Réglementaire

Dans son discours présentant le plan de relance américain, le nouveau président des Etats-Unis Joe Biden a fait de la lutte contre l’évasion fiscale une priorité de son mandat. Il évoque plusieurs mesures pour contraindre les entreprises américaines échappant à l’impôt fédéral à s’y plier, en visant notamment Amazon. Le géant du net a répondu d’une manière… discutable.

Le nouveau président des Etats-Unis, Joe Biden, continue sa vaste offensive de réforme de l’économie américaine. Il vient ainsi de pointer, durant son discours présentant son plan de relance, un ennemi de taille : l’évasion (ou optimisation) fiscale.

L’évasion fiscale : délocaliser les bénéfices (et les impôts qui vont avec)

Pour une entreprise, l’évasion fiscale consiste, pour simplifier, à déplacer une part plus ou moins importante de ses bénéfices vers une filiale située dans un paradis fiscal. Est-ce un hasard si la quasi-totalité des sièges sociaux européens des géants du net sont situés en Irlande, pays de l’Union Européenn dont l’impôt sur les sociétés est le plus bas, et si la totalité des activités lucratives de ces firmes sont localisés au sein de ces sièges sociaux (et non dans les pays où elles sont effectivement réalisées) ?

Ces pratiques, pour moralement discutables qu’elles soient, demeurent légales et, surtout, particulièrement simples à mettre en place pour une entreprise internationale du numérique. Les remettre en question impose de changer les règles du commerce mondial auprès de l’OCDE. Certains pays de l’Union Européenne, la France en tête, se sont donné cet objectif, mais ont décidé, dans l’attente de ce marathon législatif, de mettre sur pied une taxe sur les GAFA.

L’OCDE pourrait (enfin) réformer les règles du commerce international

Pour autant, l’OCDE a annoncé, en octobre 2020, envisager une réforme visant à garantir que les multinationales (en particulier du numérique) paient leur juste part d’impôt dans les pays où elles opèrent. Cette réforme s’appuie sur deux « piliers » : le premier prévoit qu’une part des bénéfices soient forcément attaché au pays où ils sont effectivement réalisés, le second veut mettre en place un montant minimum d’imposition au niveau mondial.

Cette volonté de réformer les règles de l’OCDE vient donc de récupérer un soutien de poids avec Joe Biden, qui a promis durant son discours que l’une de ses priorités serait de « niveler les règles du jeu internationales » en matière de fiscalité.

Joe Biden critique les 91 entreprises américaines qui ne paient pas d’impôt fédéral

« En 2019, une analyse indépendante a révélé que 91 entreprises du Fortune 500 – les plus grandes entreprises du monde, y compris Amazon – ont utilisé diverses échappatoires pour ne pas payer un seul centime d’impôt fédéral sur le revenu. Je ne veux pas les punir, mais c’est vraiment mal. C’est profondément injuste. Un pompier et un enseignant payent 22 % d’impôts. Amazon et 90 autres grandes entreprises ne paient aucun impôt fédéral », déplore ainsi le nouveau président des Etats-Unis.

Joe Biden veut que les grandes entreprises paient leur part dans l’effort national. Il veut ainsi augmenter l’impôt sur les sociétés de 21% à 28%. Mais 21% ou 28% de 0 sera toujours égal à 0. D’où sa volonté d’empêcher ces entreprises de délocaliser leurs bénéfices.

Joe Biden veut inciter les entreprises américaines à relocaliser emplois et bénéfices

Pour ce faire, en attendant de révolutionner l’OCDE, le gouvernement américain va « renforcer de manière significative » les mesures mises à la disposition du fisc américain à l’encontre des sociétés qui ne déclarent pas leurs revenus ou les sous-déclarent. « On estime que cela pourrait rapporter des centaines de milliards de dollars. Tout cela représente plus que ce que j’ai proposé de dépenser en seulement 15 ans », commente Joe Biden.

Il envisage également de mettre en place des mesures incitatives et des primes pour les entreprises qui jouent le jeu, et conservent leurs emplois et leurs bénéfices aux Etats-Unis. « Nous éliminerons également les déductions accordées aux sociétés qui délocalisent des emplois et déplacent des actifs à l’étranger. Si vous faites cela, vous payez une pénalité ; vous ne recevez pas de récompense dans mon plan. Et j’utiliserai les économies ainsi réalisées pour accorder aux entreprises des crédits d’impôt pour qu’elles installent des usines ici, dans le secteur de la fabrication et de la production, aux Etats-Unis », conclue Joe Biden.

Amazon critique les lois permettant l’évasion fiscale… qu’il pratique pourtant allégrement !

Nommément attaqué par le discours de Joe Biden, Amazon a réagi de manière plutôt inattendue. Le géant du numérique a ainsi affirmé, sans rire, qu’il soutenait la volonté de réforme de l’OCDE et que les codes fiscaux entre les pays devraient être « coordonnés pour ne pas avoir de failles qui permettent des taux d’imposition artificiellement bas, ni de chevauchements qui entraînent des taux d’imposition plus élevés ou une taxation redondante, parce que ceux-ci faussent le comportement des entreprises d’une manière qui ne profite pas aux consommateurs ou à l’économie ».

En gros, Amazon est favorable à changer les lois qui permettent de pratiquer l’évasion fiscale. Tout en continuant à pratiquer cette évasion fiscale autant que les lois lui permettent, alors qu’il lui serait très facile de relocaliser ses bénéfices et de payer ses impôts localement. Doit-on en rire ou en pleurer ?