Loi anti-haine : ça s’en va et ça revient !

Loi anti-haine : ça s’en va et ça revient !
Réglementaire

La commission mixte paritaire, chargée d’étudier la loi anti-haine sur Internet, n’ayant pas réussi à rapprocher les visions de l’Assemblée Nationale et du Sénat, la loi repart pour un tour de piste législatif complet. Première étape : à l’Assemblée, qui a rétabli le délai de 24 heures annulé par le Sénat. Car telle est la volonté du gouvernement.

La loi anti-haine et harcèlement sur Internet illustre les complexités du parcours législatif d’une loi, surtout quand elle soutenue à bras le corps par le gouvernement dans certains de ses aspects.

Le délai de 24 heures retoqués par les sénateurs…

Lors de son passage au Sénat, la loi avait été amputé de deux de ses mesures les plus controversées, à savoir le délai d’action de 24 heures accordé aux plateformes pour retirer un contenu haineux, et la réaction face à la republication d’un contenu déjà censuré.

Depuis les prémisses de cette loi, ce délai très court est régulièrement épinglé comme difficilement applicable, ouvrant la porte aux dérives (risque de transformation des plateformes en une autorité de censure) et probablement contraire au droit européen. Ce que les sénateurs ont souligné.

… et rétabli par les députés

Mais la commission mixte paritaire, chargée le 8 janvier d’accorder les violons des deux chambres, n’a pas accouché d’un compromis. Le texte est donc reparti pour un tour législatif.

Le 14 janvier, la commission des lois à l’Assemblée nationale a donc suspendu l’annulation du Sénat et rétablit le fameux délai de 24 heures, au motif que « les magistrats ne pourront pas examiner a priori tous les contenus qui déferlent sur la toile du fait de leur viralité » et, qu’en conséquence, « il faut rétablir l’idée de supprimer au plus vite les contenus haineux sans attendre le juge ». La formulation de la loi a par ailleurs été précisée, pour rendre la tâche plus aisée aux plateformes.

Une loi anti-haine qui attaque « nos droits et libertés fondamentaux » ?

Cette nouvelle modification a été réalisée le regard critique d’une membre de la commission, spécialisée dans les questions liées au numérique, Laure de La Raudière, de l’UDI, qui a fait part de son « inquiétude de voir les plateformes se transformer en juges de la liberté d’expression ».

Une douzaine d’organisations et associations lui ont emboité le pas, dans un communiqué sans ambigüité : « En contournant les prérogatives du juge judiciaire, [le texte de loi] porte atteinte aux garanties qui nous permettent aujourd’hui de préserver l’équilibre de nos droits et libertés fondamentaux ».

Des oppositions de pures formes, tant la volonté gouvernementale semble forte de maintenir cet aspect du texte. Même si, au moment de son application, la loi risque de se transformer en bombe à retardement…