Droit d’auteur : la Commission Européenne attaque fermement l’Arabie Saoudite

Droit d’auteur : la Commission Européenne attaque fermement l’Arabie Saoudite
Culture et droits d'auteur

Ce lundi 27 janvier 2020, la Commission Européenne a publié un rapport qui accuse l’Arabie Saoudite de « causer un préjudice considérable aux entreprises de l’U.E », en ne sanctionnant pas le piratage à grande échelle de contenus sportifs de la chaîne beoutQ, diffusée par le réseau satellite saoudien Arabsat.

La Commission Européenne a publié, ce 27 janvier 2020, un rapport listant les treize pays contre lesquels l’UE « concentrera son action » sur la protection et l’application des droits de propriété intellectuelle. En clair : les treize pays où le piratage porte le plus grand préjudice aux ayant-droits de l’UE.

beoutQ : la chaîne diffusant le plus de contenus sportifs piratés au monde

Parmi ces treize pays, l’Arabie Saoudite figure en bonne place. La chaîne pirate payante beoutQ concentre les critiques contre Ryad. beoutQ est en effet la chaîne proposant la plus grande quantité de contenus sportifs piratés au monde (provenant essentiellement de beIN Sport), et elle est, via le réseau satellite Arabsat (co-détenu par l’Arabie Saoudite et installé à Ryad), très largement diffusée dans le monde arabe.

Le rapport de ce 27 janvier fait en effet suite à la publication d’une enquête commandée par huit grandes organisations de football (la FIFA, l’UEFA, l’AFC, la Premier League, La Liga, la Bundesliga, la LFP et la Lega Serie A) qui établit « sans aucun doute » que les transmissions pirates par satellite de beoutQ ont été distribuées par le fournisseur de satellite saoudien Arabsat.

Une enquête accablante pour beoutQ, Arabsat et l’Arabie Saoudite

Cette enquête décrit également en détail la fonction sophistiquée du streaming IPTV des boîtiers beoutQ, qui a fourni aux consommateurs un accès illégal aux droits des principaux programmateurs de sport dans le monde. Selon le rapport, l’une des applications pirates IPTV les plus dommageables – « EVDTV » – est basée à Riyad et reste opérationnelle.

Pour autant, ces 8 grandes organisations de football ont déclaré publiquement qu’elles n’étaient pas en mesure d’engager une procédure d’infraction du droit d’auteur en Arabie saoudite. Elles ont donc demandé à la Commission Européenne, conjointement avec le diffuseur le plus lésé (en l’occurrence beIN MEDIA GROUP) d’agir pour eux.

La Commission condamne un « pays de transit régional de produits contrefaits et piratés destinés à l’U.E »

Le rapport, rendu public ce 27 janvier par la Commission Européenne, souligne ainsi de « graves lacunes » dans la protection et l’application de la propriété intellectuelle en Arabie saoudite, et indique que cette dernière « a été visée en raison de son rôle majeur en tant que pays de transit régional de produits contrefaits et piratés destinés à l’U.E, mais aussi du fait du piratage à grande échelle par satellite et en ligne ainsi que des mesures d’application inefficaces pour y remédier. »

« beoutQ met à disposition – sans autorisation – du contenu appartenant à des organisateurs d’événements sportifs européens et à des ayants droit européens (auteurs et titulaires des droits apparentés) sur le territoire saoudien, au Moyen-Orient , en Afrique du Nord ainsi que dans l’U.E » poursuit le texte.

L’Arabie saoudite n’a « pas pris de mesures suffisantes pour mettre fin à l’infraction »

Selon les observations de la Commission Européenne, l’Arabie saoudite n’a « pas pris de mesures suffisantes pour mettre fin à l’infraction, bien que les services par satellite de beoutQ soient {depuis peu} transmis par le satellite Badr-4 / Arabsat-4b de l’Organisation Arabe des Communications par Satellite (« Arabsat », NDLR) détenue en partie par le royaume ».

Les boîtiers beoutQ sont toujours largement en circulation en Arabie saoudite et ailleurs, et continuent de fournir un accès illégal à des applications pirates IPTV tierces couvrant toutes les principales chaînes de sport et de divertissement au monde, dégradant la valeur de cette industrie mondiale évaluée à des milliards de dollars.

« C’est un vol commercial, clair et simple »

Or, malgré de multiples demandes émanant de l’OMC, de l’Union Européenne ou des gouvernements britanniques et américains, les autorités saoudiennes n’agissent pas contre beoutQ, alors qu’elles sont qualifiées pour le faire. A l’été 2019, le Ministère des Médias d’Arabie Saoudite a ainsi déclaré que l’affirmation selon laquelle « l’Arabie saoudite est en quelque sorte complice des émissions de beoutQ offense le peuple saoudien et est un mensonge malveillant ».

Réagissant à cette publication, Yousef Al-Obaidly, PDG de beIN MEDIA GROUP, a déclaré : « Le dernier rapport de la Commission européenne s’ajoute aux appels existants (y compris au plus haut niveau des gouvernements américain et britannique) appelant l’Arabie saoudite à respecter l’état de droit. En tant que plus grand investisseur de droits audiovisuel sportifs au monde, cela n’a rien à voir avec la politique – c’est un vol commercial, clair et simple. Nous ne nous mobilisons pas contre l’Arabie saoudite, nous nous mobilisons contre toute nation, entreprise ou individu qui vole du contenu sportif ».

« Même aujourd’hui, après plus de deux ans, la seule façon de regarder la plupart des compétitions internationales de qualité en Arabie saoudite se fait par des moyens illégaux. Le seul message que cela envoie aux diffuseurs internationaux et aux ayants droit du monde entier est que vous ne pouvez pas monétiser ou protéger votre propriété intellectuelle en Arabie saoudite », conclue-t-il.

« Les violations de la propriété intellectuelle, y compris le piratage, menacent des centaines de milliers d’emplois dans l’U.E chaque année » 

De son coté, Phil Hogan, commissaire européen en charge du commerce, a précisé : « La protection de la propriété intellectuelle est essentielle pour la croissance économique de l’U.E ainsi que notre capacité à encourager l’innovation et à rester compétitifs à l’échelle mondiale. Jusqu’à 82 % de toutes les exportations de l’U.E proviennent de secteurs qui dépendent de la propriété intellectuelle. Les violations de la propriété intellectuelle, y compris le piratage, menacent des centaines de milliers d’emplois dans l’U.E chaque année. »