L’Inde inscrit le principe de la neutralité du net dans le marbre !

L’Inde inscrit le principe de la neutralité du net dans le marbre !
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Le gouvernement indien de Narandra Modi vient de publier un décret consacrant la neutralité du réseau : cette décision est d’autant plus forte que l’Inde est lancée dans une politique volontariste visant à connecter l’ensemble du pays à Internet, en partenariat avec de nombreuses multinationales qui aurait aimé imposer leurs préférences en terme de navigation.

Parmi les grands travaux lancés en Inde depuis 2015 par le gouvernement de Narandra Modi (énergies renouvelables, accès à l’électricité, augmentation du produit local, plan de formation de la population à grande échelle, amélioration des infrastructures, notamment routière…), le plan Digital India est l’un de ceux dont les retombées attendues sont les plus massives – et l’un de ceusx dont la population espère le plus.

Un plan de déploiement de la connexion Internet pour toute la population de l’Inde

Le pays accuse en effet un retard certain en terme d’accès à Internet, y compris parmi les pays émergents : sur les cinq BRICS, l’Inde à le taux de pénétration à Internet le plus bas, et de loin, avec 33%, quand la Chine et l’Afrique du Sud sont à 54%, le Brésil à 66% et la Russie à 77%.

L’objectif (titanesque) de Digital India est de connecter l’ensemble des 1,3 millards d’habitants à Internet, à l’horizon 2025, pour un coût estimé à 15 milliards d’euros : mi-octobre 2017, le ministre d’Etat à l’Electronique et aux Technologies de l’information, KJ Alphons, affirmait que ce plan pourrait apporter de 20 à 30 % de croissance au PIB du pays. Un avis largement partagé par les analystes financiers.

« Le pays était déjà sur une trajectoire solide, mais la numérisation place la croissance du PIB nominal de l’Inde sur la voie d’une croissance annuelle de plus de 10 % en dollars américains au cours de la prochaine décennie.Le résultat pourrait être une opportunité de plusieurs milliards de dollars », écrit ainsi Anil Agarwal, responsable de la recherche financière en Asie pour Morgan Stanley.

Un plan Digital India qui attire la convoitise des géants du net

Ce plan a, bien entendu, aiguisé les appétits des géants du net – Google et Facebook, notamment, sont particulièrement impliqués dans ce déploiement, Kevin Martin, vice-président pour le mobile et la politique d’accès global de Facebook estimant que Digital India ouvre de « nombreuses opportunités » pour innover dans le pays.

Mais, là où les GAFA sont, sur le sol américain, en première ligne de la défense de la neutralité du net face aux opérateurs télécoms, ces géants du net semblent beaucoup moins soucieux de ce principe dans les pays émergents, si cela peut leur permettre de récupérer une plus grosse part du gâteau.

Quand Facebook propose d’échanger la gratuité de connexion contre un contrôle sur les contenus

Facebook a ainsi proposé en 2015 le service Free Basics, offrant un Internet gratuit à des centaines de millions de personnes. Le géant du net, se transformant pour le coup en opérateur télécoms, posait une contrepartie à cette gratuité : Facebook se réservait le droit de restreindre l’accès à certains contenus, à son propre choix.

Cette proposition a déclenché une violente levée de boucliers dans la société civile indienne, révoltée par cet accroc dans la neutralité du réseau, qui permettait à une seule entreprise de définir quels contenus sont accessibles aux utilisateurs. L’autorité de régulation des télécoms indienne avait rejeté la proposition.

Fronde populaire et sanctuarisation de la neutralité du net par le gouvernement indien

Aujourd’hui, le gouvernement va plus loin, puisqu’il vient de signer un décret qui donne force de loi au principe de la neutralité du réseau. Aucun opérateur télécom ne pourra désormais offrir des services variables en fonction de ce que paye le consommateur (limitant ses accès avec des offres low cost) ou en fonction d’une rémunération d’un site ou d’un fournisseur de contenus, qui souhaiterait, moyennant finance, que ses services disposent d’un accès plus rapides que ses concurrents.

L’adoption de ce principe par un pays de la taille et du potentiel de l’Inde est une excellente nouvelle, quelques semaines après la mort officielle de la neutralité du net aux Etats-Unis, sous la pression des opérateurs télécoms (même si la résistance est vivace).

D’autres pays, moins puissants économiquement que l’Inde, ont accepté de rogner sur ce principe, laissant des entreprises privées restreindre les accès à leur bonne guise en échange d’une installation à bas coûts des connexions Internet : c’est le cas, notamment, de la Bolivie, du Bangladesh, et de 28 pays africains, dont le Maroc, Madagascar, le Sénégal ou la République Démocratique du Congo.