Avec Eelo, le créateur de Mandrake se lance dans le smartphone libre

Avec Eelo, le créateur de Mandrake se lance dans le smartphone libre
Innovation

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Alors que MandrakeLinux va fêter cette année ses 20 ans, son créateur, Gaël Duval, vient de présenter son projet de smartphone libre Eelo. Conçu comme une alternative à Android et Apple, il s’appuie sur la même volonté de rendre le contrôle à l’utilisateur.

Voici 20 ans, Gaël Duval lançait MandrakeLinux, une distribution communautaire pour PC s’appuyant sur Linux, libre, au code source ouvert. Renommée Mandriva, intuitive et colorée, elle connut un beau succès dans les années 2000. Même si le rêve de son créateur, à l’époque – « concurrencer Microsoft » – s’est vite dissipé dans la réalité d’un marché qui reste dominé par les multinationales peu adeptes de l’open-source et du freeware.

Des utilisateurs de smartphone lassés de l’ingérence de Google ou d’Apple

Aujourd’hui le PC n’est plus un marché porteur, mais Gaël Duval s’est lancé dans un nouveau défi : un smartphone libre et ouvert. « À Noël, mon père s’étonnait que son smartphone Android lui demande ce qu’il avait pensé d’un restaurant de son quartier. Ce genre de situations, que d’autres vivent sur Android, permettent de montrer qu’il y a, à mon sens, un problème. » dénonce le libriste, interviewé par nos confrères de Numerama.

L’entrepreneur veut ainsi démontrer qu’il existe peut-être un marché pour des consommateurs lassés d’être espionnés par Google, Apple, ou leurs applications avides de données personnelles.

Pourtant les initiatives visant à offrir un smartphone libre se sont, pour l’heure, fracassés face à la puissance de Google et Apple : Firefox OS, puis l’Ubuntu Phone ont eu raison de l’enthousiasme de leurs créateurs – au point d’écoeurer Mark Shuttleworth, et le faire abandonner la communauté du logiciel libre pour se concentrer sur le cloud.

« Aucune information ne partira chez Google »

C’est pour cette raison que Gaël Duval ne prétend pas aujourd’hui instituer une révolution : il veut simplement proposer, d’abord « pour s’amuser », une alternative, un projet communautaire garantissant la liberté et la sécurité des utilisateurs. Preuve qu’un espace existe pour de telles ambitions : après le smartphone américain Librem, qui a réunit l’année dernière assez de fonds pour se lancer dans la commercialisation, Eelo, le projet de Duval, vient de réunir 65 000 $ – alors que 25 000 suffisaient pour lancer la production du téléphone.

Eelo s’appuiera sur un système d’exploitation de type Android, mais sans la moindre miette de Google : « En partant des sources de Lineage (version modifiée d’AOSP), nous voulons construire une alternative complète dans laquelle aucune information ne partira chez Google. Des couches de bas niveau à l’interface, nous allons proposer une alternative  » explique l’entrepreneur.

« 1 à 2 % de parts de marché serait déjà génial »

Gaël Duval n’entend cependant pas commettre les mêmes erreurs qu’avec Mandrake, d’avoir voulu voler trop haut, plus que la communauté du libre le permet. Réaliste, il admet que, pour le smartphone, « 1 à 2 % de parts de marché serait déjà génial d’autant que les contraintes sont différentes  ».

Conscient également que les applications sont le cœur du marché des smartphones, il n’entend pas s’enfermer dans une logique du « libre uniquement », et admet qu’il faut qu’Eelo puisse supporter les applications incontournables, de Facebook à Snapchat, en passant par Instagram. Le prototype qu’il a déjà développé les accueille d’ailleurs : « Les jeux ne fonctionnent pas tous car de nombreux titres dépendent des services Google, mais nous préparons une alternative  ».

Eelo restera indépendant pour rester libre !

Gaël Duval se donne quelques mois pour finaliser sa version d’Android la plus libre possible, et envisage de livrer les premiers téléphones aux participants du projet dès septembre de cette année. Pour l’avenir il veut s’appuyer sur sa communauté, qui comprend des Français, mais aussi des Allemands, des Malaisiens ou des Indiens, ainsi que du mécénat ou des financements publics.

Il ne souhaite pas que des investisseurs privés puissent peser un jour sur la dimension éthique du projet : pour rester libre, Eelo doit rester indépendant. Le libriste fourmille d’idées, et les défis d’une telle aventure ne l’effraient pas. Pour preuve : il aurait déjà dans ses cartons un projet d’assistant personnel libre…