Piratage audiovisuel : pas de loi européenne, colère des ayant-droits

Piratage audiovisuel : pas de loi européenne, colère des ayant-droits
Culture et droits d'auteur

Début mai 2023, la Commission européenne a publié une « recommandation » pour lutter contre le piratage audiovisuel, avec plusieurs mesures incitatives, mais rien d’obligatoire, et surtout pas un projet de loi, réclamé pourtant par les eurodéputés comme par les ayant-droits. Une éventuelle nouvelle discussion sur le sujet est renvoyée à 2025. Circulez, y’a rien à voir !

La Commission européenne a refusé de s’engager formellement contre le piratage audiovisuel, provoquant la colère du Parlement européen et des mondes de l’audiovisuel et du sport.

Plutôt qu’une loi contre le piratage audiovisuel, la Commission dégaine une « recommandation »

Les eurodéputés avaient pourtant clairement et explicitement demandé à l’exécutif européen de rédiger une loi sur le sujet, afin de mieux lutter contre les diffusions illégales d’événements sportifs ou de contenus audiovisuels (films, séries, programmes de télévision…).

Une réponse était attendue pour le 4 mai 2023, et elle est bien arrivée, mais pas sous la forme d’un projet législatif contraignant, comme l’avait demandé le Parlement européen ou les associations d’ayant-droits. La Commission a proposé, à la place, une « recommandation sur la lutte contre le piratage en ligne des manifestations sportives et autres événements en direct ».

Des avis, des conseils, des propositions, mais rien d’obligatoire ou de contraignant. La vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager, reconnaît certes que « le piratage à l’échelle commerciale met en péril la viabilité de nos secteurs de la création et des sports, surtout dans le cas d’événements en direct, dont la plus grande partie de la valeur est générée au cours de leur transmission en temps réel ».

La Commission propose, sans rire, de s’appuyer sur la bonne volonté des FAI

Mais alors, que propose donc la Commission pour lutter contre ces diffusions illégales ? « La recommandation souligne l’importance d’une action urgente de la part des fournisseurs de services d’hébergement pour réduire au minimum le préjudice causé par la diffusion en continu illégale », indique la recommandation.

Dit autrement : il faut que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) agissent rapidement, par eux-mêmes, parce que la Commission le leur recommande. Pour qui a suivi la mise en place des mesures de lutte contre le streaming illégal en France, la proposition a de quoi faire rire.

Les FAI ont en effet toujours freiné des quatre fers pour coopérer avec les autorités. Il a fallu une loi contraignante, les obligeant à bloquer les accès DNS pour qu’ils acceptent enfin d’agir. Mettre la lutte contre le piratage entre les mains de la bonne volonté des FAI est à peu près aussi efficace qu’un canif pour couper un baobab.

Rien de neuf d’ici à novembre 2025

La recommandation propose aussi de renforcer la coopération entre les autorités nationales compétentes et les titulaires de droits et les intermédiaires en ligne – ce qui ne mange pas de pain, mais aura, sans législation ferme, un effet plus que limité. Elle demande enfin aux diffuseurs « de rendre leurs offres commerciales plus abordables pour les Européens », afin de moins encourager au piratage.

La Commission se propose d’évaluer les effets de cette recommandation au 17 novembre 2025 (spoiler alert : ils seront nuls). D’ici là, rien de nouveau à attendre. La réaction du secteurs de l’audiovisuel et du sport a été, comme on pouvait s’y attendre, plutôt virulente.

L’ACT est consternée, les eurodéputés déçus

L’association des télévisions commerciales (ACT) a fait part de sa « consternation », en accusant la Commission européenne de ne pas respecter l’un de ses grands principes, à savoir que « ce qui est illégal hors ligne doit être illégal en ligne ».

Plus surprenant, et plus rare : les eurodéputés sont également monté au créneau pour fustiger le manque de courage de la Commission. Vingt-quatre députés (dont six français) ont ainsi envoyé une lettre à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

« Nous sommes, comme beaucoup de nos collègues, déçus que la Commission ait proposé une recommandation, malgré les requêtes non ambiguës du Parlement européen en faveur d’un instrument législatif », indiquent-ils. Ce qui, dans le langage ultra-feutré de Bruxelles, équivaut à l’expression d’une farouche colère face à une occasion manquée…