L’intelligence artificielle conquiert les passages à niveau

L’intelligence artificielle conquiert les passages à niveau
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Avec 116 collisions en 2019 sur les quelques 15 000 passages à niveau de France, la SNCF a déploré, en 2019, 19 décès et 15 blessés graves. Pour améliorer la sécurisation de ces infrastructures particulièrement accidentogènes, le recours à l’intelligence artificielle s’affirme de plus en plus, à l’étranger, comme une solution viable.

Les accidents aux passages à niveau sont, selon les données fournies par la SNCF, très largement liés — à 98 % — à des conduites dangereuses des conducteurs. « Malheureusement, c’est le non-respect du code de la route qui explique la quasi-totalité des incidents et la prévention est indispensable » déplore Jérôme Grand, directeur territorial de la SNCF en Bourgogne Franche-Comté, pour France Bleu. Les pistes annoncées en 2019 par les pouvoirs publics se limitent à un effort accru sur la prévention auprès des automobilistes, une hausse des sanctions destinées à réprimer les comportements à risque et une augmentation de la sécurisation des passages à niveau par des stratégies de réaménagement des infrastructures. Une approche possiblement insuffisante face aux comportements à risque. 

Suisse et États-Unis s’essayent à l’intelligence artificielle

Les solutions d’intelligence artificielle appliquées à la sécurisation des axes de mobilité connaissent, avec succès, un embryon de développement en Suisse et aux États-Unis. La Confédération helvétique teste ainsi d’ores et déjà des solutions disruptives. Baselland Transport AG (BLT), l’exploitant des transports publics à Bâle, la troisième ville de Suisse, se fonde sur Scene Analytics, une solution mise en œuvre par Nokia, le géant finlandais des télécommunications, qui mêle le machine learning et la vision par ordinateur, afin d’analyser en temps réel les flux vidéo. Le but de ces caméras, installées près des passages à niveau, est de fournir des alertes instantanées pour prévenir en temps réel les équipes de Baselland Transport AG de l’existence d’éventuelles situations dangereuses. « Les passages à niveau sont notoirement des zones où il est difficile d’assurer la sécurité des passagers, des piétons, des conducteurs de train et des automobilistes. Ce projet avec Nokia est une étape encourageante vers l’utilisation de l’analytique comme mécanisme de sécurité supplémentaire dans les zones dangereuses », explique Michael Theiler, responsable de la maintenance des installations électriques pour BLT.

Aux États-Unis, c’est l’un des pionniers du secteur de la vision par ordinateur, Remark Holdings qui se distingue particulièrement. Remark Holdings est ainsi présent sur une ligne de l’exploitant Brightline, qui relie Miami à West Palm Beach et vise, à terme, une extension jusqu’à Orlando. Remark Holdings mise sur son système Remark Smart Safety Platform, chargé de la détection des intrusions non-autorisées. Là encore, l’intelligence artificielle aspire à garantir une couverture détaillée des voies pour détecter les intrusions et suivre les anomalies potentielles sur l’ensemble des tronçons. Un apport précieux car, selon les données de Associated Press, l’une des principales agences de presse américaine, cette ligne subit le pire taux de mortalité sur ses voies par rapport aux autres lignes du pays, avec plus d’une quarantaine de décès à déplorer dans ses deux premières années d’existence. Une véritable épine dans le pied de Brightline, qui souhaite déployer ses trains à grande vitesse sur d’autres terrains, notamment entre Las Vegas et Los Angeles.

Débuts timides en France et en Belgique

En France, la situation est un peu différente. La SNCF a d’ores et déjà eu recours à l’intelligence artificielle sur ses passages à niveau, dans un but purement analytique cependant. L’entreprise a, en 2020, eu recours aux solutions de la start-up Converway, créée en 2015, afin d’analyser les comportements de 600 000 usagers lors de leurs traversées du passage à niveau de Deuil-Montmagny, dans le Val-d’Oise, avec une caméra placée pendant 1 mois et fonctionnant 24 heures sur 24. « Cela nous a permis de retracer la traversée du passage à niveau en différents endroits, et puis avec un algorithme nous avons intégré toutes ces données, ainsi que les signalisations et les systèmes d’alerte de l’arrivée des trains » explique à La Revue du digital Agnès Ducrochet, directrice de clientèle chez Kantar, en charge du projet pour la SNCF. Les enseignements de l’IA ont permis de définir les solutions nudge — du nom des techniques de communication visant à orienter les comportements — les mieux adaptées pour prévenir et orienter les comportements des usagers, en fonction des données collectées. En Belgique, Infrabel a implémenté en juillet 2020 un prototype sur le passage à niveau de Comblain-la-Tour avec une IA reliée à une caméra spéciale chargée de détecter un possible danger. Encore en phase pilote, le projet pourrait être pérennisé si une réduction du nombre d’incidents est visible.