Impact carbone du numérique : une importance à tempérer

Impact carbone du numérique : une importance à tempérer
Événements

Les injonctions à réduire son empreinte carbone numérique individuelle se multiplient ces derniers mois : une étude de l’Arcep et de l’Ademe montre que, comme pour de nombreux écogestes, leur impact est plutôt négligeable devant les secteurs les plus polluants – et que d’autres écogestes ont une efficacité bien plus importante !

Les autorités, les sites spécialisés, les médias (télévision et réseaux sociaux en tête) : tous crient haro sur le numérique ! Les études, articles et déclarations sur son impact carbone ne cessent de se multiplier.

Les éco-gestes numériques : quelle échelle d’impact ?

Et si la question est bien cruciale pour les Etats et les entreprises (migrer vers le cloud a par exemple un coût énergétique certain, et décarboner l’approvisionnement électrique des datacenters semble effectivement nécessaire), qu’en est-il des simples citoyens ?

Vider sa boîte mail régulièrement, fermer les applications en arrière-plan, réduire la définition des vidéos visionnées, privilégier le WiFi à la 4G/5G… Tous ces écogestes sont-ils aussi indispensables qu’annoncés par les campagnes de communication ?

Pour commencer, évacuons toute ambigüité : oui, réduire la consommation électrique et de données de ses usages numériques permet bien de limiter sa consommation d’énergie individuelle, et est donc toujours positif pour le climat et la planète. Mais à quelle échelle ?

Le numérique pèse pour 2,5 % de l’empreinte carbone de la France

Une étude de l’Arcep et de l’Ademe vient en effet fortement tempérer l’importance de ces gestes et du numérique, surtout par rapport à d’autres secteurs. Publiée le 19 janvier 2022, elle révèle que le numérique est responsable de 2,5 % de l’empreinte carbone de la France (qui inclut les émissions sur le territoire et celles des produits importés).

Certes, le chiffre n’est pas anodin (il est proche de celui du transport aérien) et il est d’ailleurs particulièrement faible en France car l’électricité y est fortement décarbonée – au niveau mondial, il grimpe aux alentours de 4%. Mais il n’a aucune commune mesure avec les transports (responsable d’un tiers des émissions métropolitaines de gaz à effet de serre), l’industrie manufacturière, l’agriculture et le bâtiment (un cinquième chacun).

Pour le climat, il vaut mieux moins prendre sa voiture ou moins manger de viande que moins regarder Netflix

L’étude permet de rappeler, tout d’abord, que, pour réduire l’impact carbone d’un pays, une politique énergétique nationale volontariste sera toujours plus efficace qu’une multiplication des écogestes.

Elle pointe aussi qu’en matière d’écogestes citoyens, moins regarder Netflix aura un impact carbone beaucoup (beaucoup !) plus réduit que d’autres bonnes résolutions, comme limiter ses trajets en voiture et en avion, réduire sa consommation de viande ou moins chauffer son logement (surtout si le chauffage est au gaz naturel).

Culpabiliser à outrance la population pour ses usages numériques semble donc moins productif que d’enseigner les comportements quotidiens qui ont l’impact carbone le plus important.

L’impact carbone du numérique de la France vient surtout des équipements et terminaux

Qui plus est, l’étude de l’Arcep et de l’Ademe pointe que l’impact carbone du numérique provient très largement de… la fabrication des équipements et des terminaux. Et non de l’usage intensif de la 4G ou de la consommation électrique des data-centers induites par nos boites mail surchargées, notre navigation Internet trop énergivore ou notre boulimie de streaming et de SVOD !

« Des trois composantes du numérique qui constituent le périmètre de l’étude, ce sont les terminaux (et en particulier les écrans et téléviseurs) qui sont à l’origine de 65 à 90 % de l’impact environnemental, selon l’indicateur environnemental considéré », pointe le communiqué de presse des deux agences.

Acheter moins d’appareils électroniques neufs est plus déterminant que bien vider sa boîte mail…

Produire un équipement tech est en effet particulièrement énergivore, il nécessite d’ailleurs souvent une quantité importante de métaux stratégiques qui ont eux-mêmes besoin de « beaucoup de ressources et d’énergie pour leur extraction ». A cela s’ajoute l’impact du transport des matières premières, des composants et de l’équipement lui-même : de la mine à l’usine de semi-conducteur, puis à l’usine d’assemblage jusqu’au e-shop et au domicile de l’acheteur final, un morceau de métal peut faire deux fois le tour du monde avant d’arriver chez vous, dans votre écran ou votre smartphone.

Là encore, il ne faut pas se méprendre : oui, il faut réduire l’impact carbone de la consommation électrique de la 4G/5G et des datacenters, qui ne fera que croître dans les années à venir. Mais acheter moins d’appareils électriques neufs fera beaucoup plus de bien au climat et à l’environnement…