La start-up Blade, créatrice de Shadow, le PC dans le cloud, reprise par Octave Klaba (OVH)

La start-up Blade, créatrice de Shadow, le PC dans le cloud, reprise par Octave Klaba (OVH)
Financements

Le tribunal de commerce de Paris a tranché. Placée en redressement judiciaire, Blade, la start-up française qui a lancé Shadow, le premier PC dans le cloud, est reprise par HubiC, une entreprise qui appartient à Octave Klaba, fondateur et CEO d’OVH. L’autre offre de reprise, menée par l’actuel CTO Jean-Baptiste Kempf et Scaleway (l’hébergeur cloud de Xavier Niel), qui avait la préférence des employés, a été rejeté.

La rentabilité plutôt que l’innovation ? Le raccourci est sans doute facile, mais le tribunal de commerce de Paris a clairement choisi de ne pas prendre trop de risques en confiant la start-up Blade à Octave Klaba.

Reprise de Blade : le tribunal de commerce de Paris préfère l’offre d’Octave Klaba à celle des salariés

Les salariés de la start-up s’étaient pourtant réunis autour de l’actuel CTO Jean-Baptiste Kempf , qui avait réussi à convaincre Xavier Niel de soutenir leur offre de reprise, et avait bouclé un dossier en quelques jours, au coté de Scaleway, l’hébergeur cloud du créateur de Free Telecom. Cette équipe souhaitait revenir aux fondamentaux de Blade, l’expertise technologique et l’ambition de proposer des offres singulières.

Mais, ce 30 avril 2021, le tribunal de commerce de Paris a préféré choisir l’offre de reprise menée par HubiC, détenu par Octave Klaba, fondateur et CEO d’OVH. Cette décision répond à une certaine logique, OVH hébergeant déjà une partie des serveurs de Blade, et ayant une expertise reconnue dans le cloud computing de haute performance.

Surtout, HubiC devrait offrir à Blade la surface financière nécessaire à déployer son offre. Le business model de la start-up n’était pas irréaliste, elle n’avait simplement pas les reins assez solides pour soutenir son développement.

Shadow, le premier « PC dans le cloud », un début d’histoire idyllique

Retour en arrière : en 2015, Emmanuel Freund, Stéphane Héliot et Asher Kagan-Criou fondent Blade. Leur ambition ? Etre les premiers à proposer un PC dans le cloud, via le projet Shadow. L’idée est simple : l’utilisateur paye un abonnement mensuel. Ensuite, il branche son ordinateur « lambda » sur sa box Internet à haut débit, et récupère la puissance de calcul d’un PC surpuissant situé dans les serveurs de la start-up.

Au moment du lancement, les fondateurs ne parlent pas encore de cloud gaming, et leur cible s’étend aussi aux graphistes et manipulateurs d’image de tout poil. Mais il semble bien vite clair qu’une telle offre intéressera d’abord les gamers. Et, en la matière, Shadow a bien un coup d’avance sur les géants qui s’intéressent à cette technologie (Microsoft, Google, Nvidia, pour ne citer que les principaux). Surtout, Blade engage une équipe de très haut niveau, avec une expertise reconnue dans la gestion en temps réel des serveurs et du cloud.

Levées de fonds en série et succès de l’offre Shadow

Entre 2016 et 2017, Blade lève 3, 10 puis 51 millions d’euros (soit 64 millions en tout), notamment auprès de Pierre Kosciusko-Morizet (Priceminister), Michaël Benabou (Vente-privée.com) et de l’homme d’affaires thaïlandais Nopporn Suppipat. Malgré quelques soucis techniques et des problèmes de latence, les premières offres sont livrées.

Mais le succès dépasse très vite les espoirs des fondateurs. Les demandes affluent, les files d’attente également. Surtout, la concurrence s’éveille sur le front du cloud gaming. Microsoft prépare son Xbox Game Pass Ultimate, Google annonce la sortie de Stadia et Nvidia de GeForce Now. Shadow conserve son originalité : son offre est bien celle d’un PC dans le cloud, qui laisse la possibilité de faire tourner tous types de logiciels, et pas exclusivement des jeux vidéos comme ses concurrents émergents. L’offre de Shadow se déploie cependant progressivement sur d’autres supports (smartphone, tablette…).

Une stratégie trop gourmande en cash

Fin 2019, sous la pression de Nopporn Suppipat, désormais principal actionnaire de Blade, la start-up lance de nouvelles offres Shadow aux prix cassés. L’opération est une réussite d’un point de vue commercial, les nouveaux abonnés affluent.

Mais pour répondre à cette demande, Blade a besoin de cash. De beaucoup de cash. Fin 2020, la start-up lance une levée de fonds de grande ampleur. Elle échoue à récupérer assez d’argent pour pouvoir répondre à ses besoins. Et la start-up se place en redressement judiciaire.

Avec Shadow, Octave Klaba veut « bâtir la meilleure offre du Cloud Gaming au Monde ! »

Le destin d’une des plus prometteuses pépites de la French Tech est donc désormais entre les mains d’Octave Klaba. Le CEO d’OVH se veut très ambitieux. A l’annonce du tribunal de commerce qu’il récupérait les actifs de Blade, il a ainsi tweeté : « L’ambition est simple : bâtir la meilleure offre du Cloud Gaming au Monde ! On a désormais tout dans une seule boite: équipe talentueuse, aucun souci de CAPEX, le marché mondial ! ».

Conformément aux demandes du tribunal de commerce, tous les emplois, excepté celui de Jean-Baptiste Kempf, seront conservé. Octave Klaba récupère ainsi une mine d’or en termes de compétences humaines et techniques. Qui plus est, le succès de Shadow montre que le positionnement de Blade était juste.

Reste à définir de nouvelles offres (sans doute moins généreuses que celle de fin 2019), à trouver un positionnement clair (garder la singularité du « PC dans le cloud », ou basculer vers une offre de cloud gaming plus classique ?) et à investir massivement pour se faire une place dans un marché en plein boom mais qui s’annonce de plus en plus concurrentiel. Une nouvelle (grande) aventure pour Shadow…