Vers la chute de l’empire Alibaba et de Jack Ma ?

Vers la chute de l’empire Alibaba et de Jack Ma ?
Réglementaire

Suite à un discours très critique sur les autorités chinoise, en octobre 2020, Jack Ma, fondateur d’Alibaba, n’a plus donné signe de vie, ni en public, ni sur les réseaux sociaux. La pomme de discorde était, à l’origine, les opérations de microcrédit de l’application de paiement AliPay, que le gouvernement souhaitait mieux encadrer. Depuis, Pékin a bloqué l’entrée en bourse d’Ant Group, filiale d’Alibaba géant AliPay, et envisage désormais de nationaliser le géant du numérique.

Un sévère tour de vis. En Chine, le gouvernement a lancé une vaste opération de reprise en main des géants du numérique chinois, jugés trop libres et peu respectueux des directives gouvernementales.

Le service de paiement et de microcrédit AliPay, une réussite commerciale problématique

Au cœur de la dispute : les offres de microcrédit ou de crédit à la consommation proposées par Tencent, JD.com et, surtout, Ant Group, une filiale d’Alibaba. Cette dernière a lancé en 2013 l’application de paiement numérique AliPay, qui s’est vite imposée comme le mode de paiement privilégié de nombre de Chinois, particuliers ou professionnels. Le volume annule de transaction dépasse ainsi les 17 000 milliards de dollars.

Mais AliPay met aussi régulièrement en avant les offres de crédit à la consommation d’Ant Group. Plus pernicieux : elle propose de fortes promotions… sous réserve que le client souscrive un crédit. Une pratique légale, mais moralement discutable, qui piège de nombreux utilisateurs dans la spirale de l’endettement.

Et c’est de ce juteux marché que les autorités chinoises veulent reprendre le contrôle. Elles veulent imposer aux géants du numérique de partager leurs données sur le crédit à la consommation avec les régulateurs, afin de prévenir la fraude et l’endettement excessif.

Jack Ma, le discours de trop contre les autorités chinoises

C’est au cœur de ces discussions tendue que le milliardaire Jack Ma, fondateur d’Alibaba (même s’il a quitté la direction du groupe en 2019) et d’Ant Group, a sans doute fait, en octobre 2020, le discours de trop. Lors de sa dernière intervention publique, il s’est montré très (trop) critique avec les autorités, remettant notamment en cause la mainmise de l’Etat sur le système bancaire.

« Une bonne innovation peut coexister avec des réglementations, mais pas des réglementations à l’ancienne. Nous ne pouvons pas gérer un aéroport comme nous gérons une gare, ni gérer l’avenir comme nous gérons le passé », attaquait l’homme d’affaire.

L’introduction en bourse d’Ant Group annulée par les autorités

Plus précisément, il reprochait aux autorités de contraindre les entrepreneurs à mettre leurs actifs en garantie des prêts accordés par les banques : « J’ai constaté que la mentalité de prêteur sur gages est un problème sérieux en Chine et qu’elle a affecté beaucoup d’entrepreneurs. Cela devient extrêmement grave lorsque les entrepreneurs doivent mettre en gage tous leurs actifs. Ils sont soumis à une pression énorme et ce qu’ils font est déformé », pointait Jack Ma.

La première sanction de Pékin à cette critique a été immédiate : l’introduction en bourse d’Ant Group, programmée pour novembre 2020, et qui devait rapporter 35 milliards de dollars, a été repoussé sine die par les autorités chinoises.

Jack Ma a disparu depuis octobre 2020

Plus grave encore : depuis ce discours incendiaire, le milliardaire n’a plus donné signe de vie. Aucune apparition publique, aucun message sur les réseaux sociaux (alors qu’il est un aficionado de Twitter). Il a même été remplacé dans une émission de télévision où il devait apparaître le 3 janvier 2021. Pire : toute référence à Jack Ma a disparu des documents promotionnels du show, qu’il a pourtant lui-même créé !

Si, du coté d’Alibaba, on affirme que Jack Ma fait simplement « profil bas », tout cela ressemble fort à une purge, qui rappelle la vague de disparition de milliardaires chinois, entre 2015 et 2017. Après plusieurs semaines ou mois, ils avaient réapparu, et se montraient soudain beaucoup (beaucoup !) plus coopératifs avec les autorités.

Accusés d’abus de position dominante, Alibaba et Ant Group vont-ils être nationalisés ?

En parallèle, les autorités chinoises ont ouvert des enquêtes pour abus de position dominante contre Ant Group et Alibaba. « Sur la base des informations reçues ces derniers jours par l’Administration d’Etat pour la régulation du marché, l’administration va enquêter sur Alibaba pour des activités monopolistiques présumées », indiquait ainsi le gouvernement chinois.

Aujourd’hui, plusieurs options seraient envisagés par Pékin, allant d’un démantèlement de ces conglomérats pour les affaiblir, jusqu’à une nationalisation pure et simple d’Alibaba et d’Ant Group. La chute est rude pour Jack Ma, longtemps présenté comme le Steve Jobs ou le Jeff Bezos chinois…