Le sacrifice de la loi audiovisuel, mauvaise nouvelle pour la lutte contre le piratage

Le sacrifice de la loi audiovisuel, mauvaise nouvelle pour la lutte contre le piratage
Culture et droits d'auteur

La crise du Covid-19 a fait plusieurs victimes collatérales. D’un point de vue législatif, le plan de relance gouvernemental va occuper tout l’espace, repoussant sine die de nombreuses réformes. Parmi elle, la fameuse loi audiovisuel, sur laquelle planchait le gouvernement depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Elle devait contenir des mesures concrètes pour lutter contre le piratage audiovisuel. Son report est un coup dur pour les mondes de l’audiovisuel et du sport amateur, déjà rudement fragilisés par la crise.

Le nouveau gouvernement mené par Jean Castex a profondément modifié la politique générale de l’exécutif, désormais centrée sur les effets de la crise économique provoquée par le Covid-19 et le confinement. Le plan de relance est, légitimement, la priorité numéro 1. Dès lors, de nombreuses lois en préparation avant le début du confinement ont été mises de coté, voire simplement annulées.

Le plan de relance provoque le report de la loi audiovisuel

L’une des victimes les plus emblématiques est la loi sur l’audiovisuel. Ce projet occupe les différents ministres de la Culture depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Avec, en ligne de mire principale, la lutte contre le piratage audiovisuel. C’était l’une des priorités affichées du président. Elle a pris du temps à prendre forme, mais elle devait être votée cet été.

En l’état, personne ne sait si elle sera de nouveau portée au calendrier législatif. Mais cette loi audiovisuel n’est assurément plus à l’ordre du jour : « La plupart sont de bonnes dispositions. Mais le calendrier législatif va être complètement occupé par le plan de relance », a reconnu la nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot.

Un amendement ad hoc pour lutter contre le streaming sportif

Parmi ces dispositions figurait un prometteur amendement, déposé en février 2020 par le député Cédric Roussel. Il visait spécifiquement le streaming sportif et l’IPTV de chaînes sportives, en donnant « la possibilité aux ayants droit, c’est-à-dire aux ligues professionnelles et aux diffuseurs, de saisir le juge afin d’obtenir une ordonnance (…) autorisant le blocage ou le déréférencement de tout site diffusant illégalement une compétition sportive », selon les mots de son auteur.

D’après le député, cet amendement aurait également permis de supprimer les sites miroir. Il imposait une collaboration étroite avec les fournisseurs d’accès à Internet, mais des accords étaient en bonne voie sur ce registre. La loi contenait d’autres mesures, destinées plus spécifiquement aux sites diffusant illégalement des films et séries.

L’arsenal de lutte contre le piratage audiovisuel devra (encore) attendre

Mais il semble donc que ces armes législatives efficaces, réclamées depuis des années par les acteurs des secteurs concernés, devront attendre une nouvelle fois. Si la priorité donnée à la relance peut se comprendre, ce choix de mettre de coté la lutte contre le piratage risque de fragiliser encore davantage deux écosystèmes particulièrement fragilisés par la crise.

Le premier est celui de la culture, et tout particulièrement de la création audiovisuelle. Le manque à gagner accumulé par le piratage des films et séries pèse sur les capacités de financement du CNC et des chaînes de télévision. Ce sont autant de films, de séries et de programmes qui ne se tournent pas, empêchant l’embauche d’acteurs et de techniciens. Rappelons que l’audiovisuel est le second contributeur au PIB de la France après l’industrie automobile.

La culture et le sport frappés de plein fouet par le piratage

Le second secteur est celui du sport. Le piratage de contenu sportif met à mal les finances des diffuseurs. Une chaîne comme BeIn a récemment annoncé des licenciements, en grande partie à cause du manque à gagner provoqué par le piratage. Le risque est celui d’une baisse drastique des droits télévisés (le confinement a déjà contraint les chaînes à ne verser qu’une partie des droits de la saison 2019-2020).

Or, la taxe Buffet garantie le versement de 5% des droits TV du sport professionnels en faveur du sport amateur. Moins de droits TV, c’est moins d’argent pour le sport amateur, déjà frappé de plein fouet par la crise. « Lutter contre le piratage des contenus sportifs, c’est préserver notre modèle de financement solidaire du sport amateur », rappelle Cédric Roussel.

Mais le gouvernement en a, malheureusement, décidé autrement.