Le numérique occupe une place grandissante dans nos vies : grâce aux écrans connectés, nous pouvons lire, travailler, communiquer, jouer… En quelques gestes, en quelques clics, nous accédons à un monde de divertissements, de streaming, qui ne manque pas d’attirer également les plus jeunes. Mais attention, si le numérique peut enrichir nos vies et celles de nos enfants, il peut néanmoins présenter des risques importants pour la santé mentale de ces derniers.
Le visionnage de séries en streaming est un des divertissements préférés des Français de moins de cinquante ans. Cette tendance n’échappe pas aux jeunes enfants, friands d’écrans et de divertissements, notamment de séries animées. Les plateformes de streaming l’ont bien compris, et elles s’efforcent d’offrir des contenus riches, variés et destinés uniquement aux enfants. Cependant pour avoir un maximum d’audience, elles doivent d’abord convaincre les parents que leur progéniture naviguera en toute sécurité. Mais en matière de sécurité, toutes les plateformes de vidéo à la demande tiennent-elles vraiment leurs promesses ?
YouTube Kids : populaire, gratuit… mais dangereux
YouTube Kids, petit frère de YouTube, le géant mondial de la vidéo en ligne, cible un public âgé de 3 à 12 ans. L’application a de quoi séduire les enfants et les parents à première vue : des vidéos courtes, une offre foisonnante et gratuite, triée en fonction de l’âge et du profil de l’enfant… Le site assure que le contenu est adapté aux jeunes enfants grâce à des fonctionnalités de contrôle que les parents peuvent configurer, un algorithme qui permet de filtrer les vidéos inappropriées, et des équipes dévouées qui identifient et suppriment les contenus indésirables.
Pourtant, après plusieurs scandales, la plateforme de streaming reconnaît que malgré les nombreux efforts pour garantir la sécurité des enfants, « des vidéos inappropriées peuvent se glisser à travers les mailles du filet ». Elles représenteraient 0,5% des vidéos en ligne, selon Malik Ducard, le responsable du contenu famille et apprentissage du site. Mais « c’est déjà trop », admet-il : 0,5% sur les millions de vidéos diffusées par le site, cela représente effectivement des risques non négligeables pour des bambins innocents, qui peuvent tomber dessus par hasard.
Dessins animés populaires détournés, parsemés d’allusions macabres, parodies violentes ou vulgaires, vidéos complotistes… Au mieux, ce type de vidéo provoque un malaise, des angoisses ou des cauchemars chez les jeunes enfants. Mais cela peut aussi les traumatiser plus durablement, comme en témoigne Free Hess, une pédiatre américaine qui a signalé à la plateforme un dessin animé au milieu duquel une courte séquence expliquait aux enfants comment se suicider… La vidéo était en ligne depuis huit mois quand Free Hess l’a signalée. Pour la pédiatre, cet environnement est « extrêmement dangereux. Nos enfants sont confrontés à un tout nouveau monde avec les réseaux sociaux et l’accès à Internet. Ça change la manière dont ils grandissent et dont ils se développent. De telles vidéos les mettent en danger », prévient-elle.
Les grands noms du streaming : des valeur sûres… mais payantes
Le concept hérité de YouTube est finalement loin d’être idéal pour le très jeune public : les internautes ayant la possibilité de publier des vidéos sur le site, il est inévitable que des individus, mal intentionnés ou motivés par l’appât du gain, parviennent à diffuser des contenus qui n’ont pas leur place sur une application pour enfants.
D’autres grandes plateformes de streaming vidéo paraissent sans doute plus adaptées au jeune public, notamment parce qu’elles proposent un catalogue officiel, qu’elles complètent elles-mêmes. Les grands services de streaming (Netflix, MyCanal, Amazon Prime, etc.) ont ainsi créé des « sections jeunesse », avec des programmes ciblés selon différentes catégories d’âge. D’autres plateformes sont exclusivement destinées à l’usage des enfants, proposant des séries animées ou des mangas (TFou Max, GulliMax), ou encore du cinéma d’art et d’essai pour enfants (Benshi). Mais contrairement à YouTube Kids, ces plateformes ont toutes l’inconvénient d’être payantes, accessibles uniquement via un abonnement mensuel.
Okoo, l’application gratuite et sécurisée de France Télévisions
Finalement, une seule plateforme parvient à tirer son épingle du jeu : Okoo, le dernier-né de France Télévisions, a en effet l’avantage d’être la seule application totalement gratuite. Imaginée à la suite de l’annonce de la fermeture de France 4 en juin 2018, elle a été mise en ligne le 9 décembre 2019.
France Télévisions a profité de la fermeture de sa chaîne jeunesse pour imaginer une plateforme numérique moderne : « La nouvelle a été brutale, concède Delphine Ernotte, patronne de France Télévisions, mais cela nous a obligé à prendre notre élan sur le numérique. Okoo est unique en Europe, et préfigure peut-être ce que sera la télévision de demain.»
Gratuite et sans aucune publicité, l’application Okoo garantit des programmes exclusifs, dans un environnement sécurisé, puisque les programmes proposés à l’enfant sont triés en fonction de son âge. Disponible sur Google Play et surl’ App Store, l’application offre également aux parents la possibilité de fixer un âge maximum et une limite de temps d’utilisation : une fois cette limite dépassée, l’application s’arrête d’elle-même, sans pour autant permettre à l’enfant la quitter. L’enfant ne peut donc pas basculer sur une autre plateforme ou une autre application sans le consentement parental.
Divertir tout en éduquant, une mission d’intérêt public
Okoo propose une centaine de programmes (soit 2500 épisodes pour l’instant, 4000 à terme) de toutes sortes : formats très courts, séries animées pour les plus jeunes (comme le célèbre Tchoupi) ou pour les moins jeunes (comme les non moins célèbres Lapins Crétins ou encore Titeuf), magazines pour jeune public, fictions et documentaires pour préadolescents.
En tant que plateforme issue de l’audiovisuel public, Okoo se fixe des ambitions culturelles trop souvent délaissées par les autres programmes destinés aux enfants : « Okoo est un projet d’émancipation, précise Delphine Ernotte. Alors que les contenus néfastes pour les enfants prolifèrent sur Internet, nous souhaitons stimuler l’imaginaire, éveiller à l’art, mais aussi sensibiliser à l’environnement, à la lutte contre les stéréotypes. »
Ainsi, les enfants pourront s’ouvrir à l’art avec Baam ou bien comprendre les phénomènes scientifiques avec C’est toujours pas sorcier, qui remet au goût du jour la fameuse émission de Fred et Jamy. Mais les jeunes spectateurs auront aussi la liberté de s’évader avec des fictions de qualité, comme Tobie Lolness, adaptée d’un roman jeunesse de Timothée de Fombelle plusieurs fois récompensé par des prix littéraires pour le jeune public.