Piratage : Franck Riester vise les sites plutôt que les internautes

Piratage : Franck Riester vise les sites plutôt que les internautes
Culture et droits d'auteur

Alors que la loi Audiovisuel va être examinée par l’Assemblée Nationale, le Ministre de la Culture Franck Riester est monté au créneau pour préciser la vision du gouvernement sur les actions à mener contre le piratage : viser et attaquer sans relâche les sites pirates, mais sans renforcer les sanctions contre les internautes. Les défenseurs des ayant-droits ne sont pas de son avis.

En matière de lutte contre le piratage, la loi sur la réforme de l’audiovisuel est attendue depuis la début du quinquennat d’Emmanuel Macron : elle est l’unique occasion législative de doter le pays d’un arsenal efficace et dissuasif contre les offres audiovisuelles illégales. Cette loi cruciale sera discutée à l’Assemblée Nationale à part de ce début mars 2020.

Pour Franck Riester : « On ne veut pas avoir un dispositif qui renforcerait des sanctions sur les internautes »

Le ministre de la Culture Franck Riester est récemment revenu sur les enjeux de cette loi et notamment sur la position du gouvernement en matière de répression. Sur ce sujet, sa position est d’une clarté limpide : « On ne veut pas avoir un dispositif qui renforcerait des sanctions sur les internautes », précise le ministre.

Pour lui, la loi est conçue essentiellement pour attaquer les sites pirates. Elle s’articule autour de la fusion de la Hadopi avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en une autorité aux pouvoirs étendus, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

La nouvelle Arcom sera mobilisée « sur les sites qui font de l’argent sur le dos des créateurs ».

Pour Franck Riester, la loi Audiovisuel va donner « des outils nouveaux à l’Arcom  » contre le piratage, « très puissants » et la mobiliser « sur les sites qui font de l’argent sur le dos des créateurs ».

Les priorités sont connues : lutter contre les sites miroir, pour les bloquer, si possible dès leur création ; couper les flux des streamings sportifs illégaux en direct, via des ordonnances plus souples des juges ; dresser des listes noires de sites pirates et inciter les publicitaires et les solutions de paiement à les abandonner pour assécher les financements.

En parallèle, le gouvernement veut valoriser l’offre légale – plus large, mieux connue, plus appréciée qu’il y a cinq ans, de quoi offrir une alternative plus que viable.

Maintenir la réponse graduée contre le piratage

Reste les internautes qui piratent. Sur ce dossier, Franck Riester se veut modéré : « Maintenir la réponse graduée, oui : c’est un dispositif pour le téléchargement pair à pair qui permet de faire de la prévention, ce qui permet de dire aux internautes : attention, en allant sur des sites illégaux vous spoliez la création, vous ne financez pas la création, ou le cas échéant les sportifs ou les fédérations sportives, et il existe des sites aujourd’hui de plus en plus nombreux d’offres légales », précise le ministre.

Pour lui, l’arsenal actuel est, sur ce volet, suffisant, y compris en cas de récidive répétée : « Si quelqu’un, manifestement et malgré les avertissements, continue d’avoir des pratiques non autorisées, la loi actuelle prévoit déjà des sanctions », rappelle Franck Riester.

La transaction pénale en questions

Le ministre ne veut notamment pas généraliser la transaction pénale – un dispositif qui propose une sanction (le plus souvent une amende) à un contrevenant pour lui éviter un procès. Déjà prévue dans la loi, elle est utilisée de plus en plus souvent par la Hadopi.

Ce 28 février 2020, 26 associations professionnelles, représentant les ayant-droits, ont publié une tribune plaidant pour une extension de la transaction pénale, en la rendant automatique en cas de récidive : les cosignataires réclament ainsi « une sanction simple, après deux rappels à la loi, pour réaffirmer que le piratage est un vol que le pays de l’exception culturelle ne peut tolérer plus longtemps ».

Vers des débats législatifs animés

Pour faire simple : deux rappels à l’ordre sans conséquences, puis une amende automatique. Et, à partir de la quatrième incartade seulement, un éventuel procès.

Le gouvernement estime que ce principe criminaliserait trop fortement les internautes. Reste que les représentants des ayant-droits vont pousser certains députés à présenter des amendements dans ce sens. Faisant probablement de cette question de la sanction pénale l’un des cœurs du débat législatif à venir.