Streaming illégal : procès du petit génie de l’informatique franc-comtois

Streaming illégal : procès du petit génie de l’informatique franc-comtois
Culture et droits d'auteur

Le procès du créateur et de l’administrateur du site Sériefr.eu, spécialisé dans le streaming illégal de séries francophones, a eu lieu mi-novembre 2019. Une peine de 8 mois de prison avec sursis a été requise contre ce étudiant jeune franc-comtois de 22 ans. Le jugement, mis en délibéré, sera prononcé le 15 janvier 2020.

L’affaire est emblématique de sites de piratage audiovisuel « artisanaux » – créés, administrés et alimentés par des particuliers, sans lien avec des mafias et sans l’organisation professionnelle d’un The Pirate Bay. En mai 2019, l’arrestation de 7 personnes impliquées dans le site Sériefr.eu, suite à un signalement de l’Alpa (association de lutte contre la piraterie audiovisuelle), avait signé la fin de cette aventure illégale.

« Je n’ai fait que créer les sites » : une ligne de défense plus que discutable…

Ce site était un annuaire de liens streaming centrés sur les séries télévisées, en version française ou sous-titrées en français. Il hébergeait 480 séries, pour un total de 37 000 épisodes et 700 000 visiteurs uniques par mois. Le procès a permis de détailler le modus operandi de création et de développement de ce site. Les parties civiles étaient constituées de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et du syndicat de l’édition vidéo numérique.

Le créateur et administrateur de Seriefr.eu et de ses 12 sites miroirs est un étudiant en Master 2 ingénierie des Systèmes Complexes à Besançon, résidant dans le Haut-Doubs. « Ces sites que j’ai créé, je ne m’en occupais même plus. Je n’ai fait que créer les sites » est la principale ligne de défense du jeune pirate. L’homme n’a en effet hébergé lui-même aucun contenu illégal, les sites étant des annuaires conduisant à des liens de streaming valide.

… car le créateur du site encaissait bien les revenus publicitaires

« N’importe qui pouvait poster ses vidéos. Oui, moi j’ai ouvert un site et je ne sais pas qui postait les vidéos. Je recevais des signalements pour les vidéos non valides par mon hébergeur et je les supprimais alors », se défend le jeune pirate.

Pour autant, il a encaissé les confortables revenus publicitaires du site, estimés entre 5 et 40 dollars pour chaque 10 000 vues – soit un total de 18 000 euros par mois en BitCoin. En tout, le jeune pirate aurait engrangé 200 000 euros. L’homme avait même ajouté au site un système de minage de BitCoin : pendant qu’ils visionnaient un épisode, les internautes laissaient (sans le savoir) leur ordinateur miner de la crypto-monnaie pour l’étudiant créateur du site.

« Je savais bien que ce n’était pas légal mais je trouvais ça tellement facile »

Mieux : prouvant que l’objectif du site était bien d’engranger de l’argent, les contributeurs étaient rémunérés, en touchant un peu d’argent à chaque clic sur un lien valide qu’ils ont postés. Trois contributeurs étaient d’ailleurs sur le banc des accusés.

« Sur le site internet, un jour j’ai cliqué sur Speedvid hébergement. J’ai regardé l’explication et suivi le Tuto, et cela a marché. Je recopiais un lien de téléchargement, que je copiais sur l’hébergeur Speedvid et cela donnait une vidéo. J’ai fait ça en 2015-2016. Je voulais m’occuper et c’était de l’argent facile. Je n’avais pas l’impression de faire du mal à quelqu’un. Je savais bien que ce n’était pas légal mais je trouvais ça tellement facile. Oui, j’ai reçu des virements Paypal » de l’administrateur du site, expose une de ces uplaoders.

« La bande organisée, ce sont les régies publicitaires »

Ces trois contributeurs n’avaient aucun lien entre eux, et ne se sont jamais rencontrés – remettant clairement en cause l’accusation de bande organisée. « La bande organisée, ce sont les régies publicitaires installées en Israël ou ailleurs. C’est comme ça que ça fonctionne, car des publicitaires paient le clic » a défendu maître Le Targat Yann, avocat du plus importants de ces contributeurs. Les trois autres contributeurs arrêtés en mai 2019 étant mineurs, ils ont été renvoyés devant le juge pour enfants.

Au terme du procès, Margaret Parietti, vice-procureure de la République, a requis une peine de prison 8 mois de sursis à l’encontre de l’administrateur du site Seriefr.eu. Pour l’un des contributeurs, 3 mois de prison avec sursis. Pour les deux autres, 2 000 euros d’amende avec sursis. Le jugement a été mis en délibéré en date du 15 janvier 2020.