Le Sénégal, future terre numérique ?

Le Sénégal, future terre numérique ?
Innovation

Le Sénégal a bel et bien entamé sa mue digitale. A travers la stratégie Sénégal numérique 2025, dotée d’un budget de 1 361 milliards de F CFA, le pays de Macky Sall veut accélérer la transformation structurelle de son économie et maintenir une position de leader de l’innovation en Afrique.

Ce volontarisme devrait permettre de porter une augmentation du PIB de l’ordre de 300 milliards de F CFA. L’objectif plus large est de donner un nouveau souffle au secteur en apportant de nouveaux relais et sources de croissance à ses acteurs. Le Sénégal ambitionne ainsi de porter la contribution du numérique au PIB à 10% à l’horizon 2025. Afin de piloter le projet, un Comité Interministériel, présidé par le Premier Ministre, a été créé. Il collabore avec un Comité technique, présidé par le Ministre en charge du Numérique, chargé de la réalisation concrète des politiques nationales.

Une stratégie numérique ambitieuse

Dans ce contexte, le mois dernier, la ministre de l’Economie numérique Ndèye Tické Ndiaye Diop annonçait l’ouverture prochaine de « maisons du numérique » dans chacun des départements du pays. Ces dernières s’inscrivent dans le cadre du projet de numérisation et de dématérialisation des services administratifs. La création de ces centres devrait permettre de rapprocher davantage les usagers des différents services administratifs et leur faire gagner temps et argent : payer ses impôts, demander un extrait d’acte de naissance, un permis de conduire, de bâtir, un extrait de casier judiciaire… Pas moins de 700 procédures seront ainsi disponibles d’ici 2025.

Cette initiative n’est pas isolée – loin s’en faut. En attestent les efforts déployés par le Sénégal pour renforcer ses infrastructures numériques, colonne vertébrale de la croissance numérique. Cela passe notamment par l’extension du réseau fibre optique dans toutes les capitales régionales et communales du pays. Pour ce faire, pas moins de 75,233 km de fibre optique vont être déployés.

Pour les usagers, 125 réseaux WIFI vont être installés sur les places publiques afin d’offrir l’accès aux services numériques aux populations. Parallèlement, le développement du réseau mobile dans le pays est exemplaire, avec 90% du pays déjà couvert en haut débit. Un atout non négligeable dans un pays qui compte plus de 15,2 millions de lignes de téléphonie mobile.

Ce dynamisme pose la question du stockage de toutes les données générées par l’activité numérique des Sénégalais. C’est pourquoi le gouvernement s’est lancé dans la construction d’un centre de données national. Il sera dédié à l’archivage des gros volumes de données produites par l’explosion numérique : plus de 58% des Sénégalais avaient accès à internet, en mars 2017. De ce fait, le Sénégal occupe la 1ère place des pays africain pour le poids d’Internet dans l’économie (I-PIB) avec 3,3%, grâce, notamment, à une très bonne connectivité internationale et à un bon réseau national de transmission.

Des applications concrètes

Portées par le renforcement des réseaux numériques, les technologies de l’information et de la communication (TIC) permettent l’émergence de solutions innovantes qui changent en profondeur les comportements en dehors du simple champ numérique. Un exemple éloquent est le secteur de la santé : dossier médical complet en ligne, fiches recensant les allergies d’un patient inconscient, développement d’objets connectés ou d’applications web pour un meilleur suivi sanitaire – en particulier pour les populations les plus nécessiteuses ou isolées – développement de l’intelligence artificielle afin de systématiser les prises en charge et améliorer la prise en charge de patients…

« Les technologies de l’information et de la communication vont prendre une place de plus en plus importante dans le diagnostic et le traitement, mais aussi dans le suivi et la prévention des maladies », confirmait ainsi le doyen de la faculté de médecine, de pharmacie et d’odontologie de l’université de Dakar, le professeur Abdoulaye Samb. D’après ce dernier, le succès de cette révolution dépend d’« un bon maillage d’internet et du réseau téléphonique afin de faciliter une transmission rapide des informations » vers les capitales, où exercent le plus souvent les spécialistes. Une vision partagée par le gouvernement sénégalais, en attestent les efforts de renforcement du réseau au niveau national.

Ce grand bouleversement impacte également l’agriculture. De fait, le numérique occupe une place croissante dans les métiers agricoles à mesure qu’ils s’appuient de plus en plus sur la gestion à distance, le big data et la robotique. « Partout en Afrique, il y a d’excellents chercheurs en informatique. L’agriculture numérique est une chance pour la jeunesse africaine, avec des emplois qualifiés » estime ainsi Pascal Bonnet, directeur adjoint du Centre international de recherche agronomique pour le développement. En atteste la Widim Pompe, un système d’irrigation contrôlé par SMS – ce qui permet des économies substantielles de temps et de carburant.

Le projet Pix Fruit, développé par l’Institut sénégalais de recherches agricoles s’appuie quant à lui sur l’intelligence artificielle pour éviter les marges d’erreur dans l’estimation de la production d’une parcelle. A partir d’une simple photographie sur un smartphone, le logiciel se charge du calcul. Il est désormais prévu d’étendre ce système à d’autres produits – le café, les agrumes, les litchis en priorité. La société Lifantou raccourcit elle la chaîne du ravitaillement grâce à une plateforme de e-commerce qui met en relation les cantines scolaires et les coopératives agricoles. Son algorithme permet de croiser les besoins et les offres et de superviser le transport des denrées en temps réel.

Autant d’initiatives innovantes qui montrent que le renforcement du réseau national du Sénégal donne naissance à des applications très concrètes qui devraient porter la croissance du pays dans les décennies à venir.