HADOPI : le streaming et l’IPTV en ligne de mire

HADOPI : le streaming et l’IPTV en ligne de mire
Propriété intellectuelle

Sur demande du président de la HADOPI, le ministre de la culture Franck Riester a confirmé qu’elle serait dotée d’armes pour lutter contre le streaming illégal et l’IPTV. Si la nouvelle peut sembler bonne dans l’optique d’une défense efficace des droits d’auteur, elle n’ajoute rien de concret aux annonces de ces derniers mois.

Le 13 juin 2019, Denis Rapone, président de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), réclamait, une énième fois, lors de son rapport d’activité annuel, que l’autorité soit enfin dotée d’armes concrète pour lutter contre les « nouvelles » formes de piratage, streaming illégal ou IPTV.

HADOPI : pensée uniquement contre le P2P, impuissante face au streaming

Fondée voici 10 ans, la HADOPI a été pensée pour lutter contre le téléchargement illégal en peer-to-peer, à l’époque principal méthode de piratage en France. Elle a envoyé des millions de courriers d’avertissement. Pour seulement 83 cas qui se sont terminé au tribunal.

Déjà, à l’époque, le streaming illégal existait, et il n’a cessé, depuis, de prendre de l’importance. Tant pour les films et séries que pour les événements en direct, sportif notamment. Sans que les compétences de l’autorité soient élargies.

L’IPTV, un piratage qui prend de l’ampleur

Voici quelques temps, une nouvelle méthode de piratage est apparue. L’Internet Protocol TeleVision, ou IPTV, est le fait d’accéder à la télévision en direct par le biais d’Internet. Comme pour le streaming, la pratique n’est pas a priori illégale, dès lors qu’elle concerne des services gratuits ou pour lesquels l’utilisateur paie un abonnement.

Seulement, des box IPTV ou des flux IPTV disponibles sur smartphone peuvent également, contre un abonnement modeste (entre 60 et 80 euros par an), donner accès à un nombre considérable de chaînes et des flux payants (et piratés). Ce procédé, malgré une apparence de légalité (compte à créer, abonnement, paiement) – qu’il partage d’ailleurs avec certains sites de streaming pirate –, est, bien entendu, totalement interdit par la loi.

La HADOPI n’a aucune arme pour faire face à l’IPTV illégal

Si les boîtiers et flux IPTV illégaux ont déjà pris d’assaut depuis plusieurs années certains pays (comme le Royaume-Uni), son implantation en France est relativement récente. Mais le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur : environ 5% des internautes français ont visionné un contenu via cette technique de piratage ces derniers mois.

Pensée pour défendre les droits d’auteur et les ayant-droits, la HADOPI est totalement impuissante face à ces méthodes de piratage. Elle le signale depuis plusieurs années, avec un pic ces derniers mois. La déclaration de Denis Rapone est dans le prolongement de ces constats d’impuissance.

Il a fallu moins de 24 heures pour que le ministre de la Culture (et ancien rapporteur de la loi HADOPI), Franck Riester, réagisse aux propos du président de l’autorité. Le soir même, il affirmait la nécessité d’une « mise à jour de notre logiciel », et désignait une nouvelle cible : la HADOPI doit pouvoir s’attaquer à « ceux qui téléchargent illégalement, mais aussi à ceux qui diffusent ces œuvres ». 

Franck Riester : une « mise à jour de notre logiciel », mais rien de neuf sous le soleil

Objectif : pouvoir engager directement des poursuites contre les fournisseurs de contenus illégaux, sites de streaming illégaux et vendeurs de boîtiers IPTV illégaux. Le ministre a également annoncé la volonté de lutter contre les sites miroir et de caractériser les sites pirate (la fameuse liste noire). L’ensemble de ces dispositifs seront intégrés dans la future loi audiovisuelle, qui sera discutée à partir de janvier 2020.

La réactivité de la réponse du ministre donne le sentiment d’un exécutif à l’écoute de la HADOPI. Sauf qu’à part l’ajout (purement verbal) de l’IPTV, l’ensemble de ces mesures sont évoquées, discutées et annoncées depuis de très longs mois. La réforme de la HADOPI est annoncée depuis fin 2017, un passionnant rapport d’une parlementaire proposait des articles de loi mi 2018 : aucune annonce de Franck Riester n’est neuve.

Des armes spécifiques, qui restent à trouver…

Surtout, aucun axe n’a encore été défini pour être vraiment efficace contre les hydres que sont devenues les sites de streaming illégal, terriblement difficiles à tracer et avec une capacité de régénération sans pareille. Et la spécificité de l’IPTV illégal nécessite également un bon angle d’attaque. Les questions brûlantes sur ce sujet sont celles-là. Elles sont réglementaires, légales, législatives.

De ce point de vue, les déclarations de Franck Riester n’apportent rien de neuf, et ne sont qu’un contre-feu médiatique. Comme trop souvent sur le sujet du piratage audiovisuel, hautement complexe à contrecarrer.