Harcèlement sexuel : quand Google saque les employées qui manifestent

Harcèlement sexuel : quand Google saque les employées qui manifestent
À la Une

Il ne fait pas bon bousculer le géant Google sur les questions de sexisme et de harcèlement sexuel. Suite aux manifestations de novembre 2018 contre les pratiques du groupe en la matière, et notamment sa façon de couvrir les harceleurs, deux employées ont vu leurs projets et avancements étrangement stoppés par Google…

Novembre 2018. Un peu partout dans le monde, devant les locaux des succursales de Google, des employés manifestent. Ils pointent la façon douteuse dont Google traite les problèmes de harcèlement sexuel, et la culture machiste qui domine le géant du net.

Google couvre ses cadres accusés de harcèlement

Une enquête du New York Times venait de révéler que des employés haut placés de Google avaient été couverts par la firme suite à des accusations de harcèlement sexuel. Andy Rubin, le créateur d’Android, avait notamment quitté Google avec un confortable bonus, alors qu’une collègue l’avait accusé d’abus sexuel. Nommé par l’enquête, le cadre dirigeant Rich DeVaul avait d’ailleurs démissionné suite à ces révélations.

Sundar Pichai, le CEO de Google, était alors monté au créneau pour tenter d’éteindre l’incendie. Il arguait qu’un programme de lutte contre le harcèlement sexuel avait été mis en place par l’entreprise dès 2015, et que 48 employés avaient été renvoyés pour ce motif. Ces justifications n’avaient pas vraiment convaincu les salariés du géant du net.

#GoogleWalkout : les employés manifestent pour briser la loi du silence

Déterminé à faire front, plus de 20 000 employés de Google s’étaient donc pressés devant leurs bureaux. Une pancarte particulièrement populaire durant ces manifestations indiquait un rageur : « Je l’ai signalé, il a été promu ».

Mais il semblerait que les pratiques de Google, en la matière, s’avèrent encore plus rétrogrades et révoltantes que l’enquête du New York Times pouvait le laisser penser. Car deux des organisatrices de ces #GoogleWalkout ont, semble-t-il, payé assez cher leur militantisme. Elles ont témoigné dans une lettre interne, dont Wired a publié des extraits le 23 avril 2019.

Une chercheuse en IA rétrogradée suite à son rôle dans les #GoogleWalkout

La première, Meredith Wittaker, travaille dans la recherche sur l’intelligence artificielle chez Google. Peu de temps après les manifestations, elle est informée que ses prérogatives vont être réduites au sein de son équipee.

Pire : elle est sommée d’arrêter son activité parallèle dans un centre de recherche sur l’éthique des IA – un centre qu’elle a fondé et dont les recherches nourrissaient ses travaux au sein de Google ! Des travaux qui, jusqu’ici, avaient salués par la direction.

Un avocat force Google à rendre son poste d’origine à la manifestante

La seconde, Claire Stapleton, a mis le doigt dans un terrible engrenage. Employée au service marketing de YouTube, elle apprend, deux mois après les manifestations, qu’elle va être rétrogradée. Un projet qu’elle mène, validée en interne depuis des mois, est annulé sans raison. Elle consulte alors le service des RH et son supérieur hiérarchique pour obtenir des éclaircissements. Alors qu’elle a une santé de fer, on lui conseille de prendre un congé maladie…

Elle a fait intervenir un avocat, qui a forcé Google à lui redonner le poste qui était le sien, et qu’elle a perdu sans raison valable. Mais, après 12 ans de travail dans le GAFA, elle évolue désormais dans un environnement qu’elle juge tellement toxique qu’elle envisage de démissionner.

Les géants du net englués dans un patriarcat passéiste

Les deux employées ont reçu de nombreux soutiens en interne. Amr Gaber, un ingénieur de l’entreprise, souligne ainsi que Google n’avait jamais critiqué les capacités et les résultats de Meredith Wittaker et de Claire Stapleton. Mais ça, c’était avant : « Et puis il y a eu les Google Walkouts. Maintenant, on leur dit que leur travail n’est plus aussi apprécié qu’avant. ».

Cette affaire confirme que Google pratique toujours une politique fondamentalement patriarcale, et sanctionne davantage les employés qui dénoncent le harcèlement que ceux qui le pratiquent. Une preuve supplémentaire de la nécessité de faire bouger les lignes de conduite d’une majorité d’entreprises. Et qu’en la matière, les géants du net sont loin, très loin, d’être les plus vertueuses.