La blockchain dans l’énergie : une démocratisation qui prend de l’ampleur

La blockchain dans l’énergie : une démocratisation qui prend de l’ampleur
Crypto

Initialement créée comme technologie de décentralisation des transactions financières, la blockchain investit chaque année de nouveaux domaines. Elle permet plus de transparence, une réduction des intermédiaires et une véritable disruption des usages. Les grands acteurs du monde de l’énergie sont ainsi de plus en plus nombreux à l’expérimenter. Retour sur une révolution technologie en plein avènement.

Un défi pour la blockchain : la démocratisation

Parmi les 250 entreprises classées par S&P Global dans le classement Platts des entreprises énergétiques, aucune ne déclarait publiquement, en 2016, utiliser la blockchain. Trois ans plus tard, un tiers d’entre elles communique sur ce point. Et les initiatives se multiplient à cet égard : dans le domaine, elles étaient précédemment réservées aux start-ups, et gagnent les grands groupes. Mais les disparités sont fortes : le secteur a longtemps été réticent à cette technologie, faute de trouver des usages valables ou des débouchés pertinents. Ainsi certains grands groupes n’expérimentent encore la blockchain que sur des segments très limités de leurs activités, et à titre encore balbutiant.

Gilles Deleuze, chercheur senior à la R&D au pôle EDF Lab de Saclay, en précise les modalités : « La blockchain est aujourd’hui une réalité technique, mais il est encore trop tôt pour parler de révolution », confie-t-il à Maddyness. Pour autant, selon lui, elle représente une véritable opportunité pour la filière de production d’énergie, à l’heure où le secteur cherche à correspondre à une évolution des mentalités. Certains clients ont en effet à cœur d’avoir une traçabilité de leur consommation d’énergie, voire à participer à des nouveaux canaux de distribution, plus responsables et solidaires, tels les microgrids, ces systèmes de taille réduite basée sur l’échange entre clients. Deux aspects que peut soutenir la blockchain, à condition, comme le précise Gilles Deleuze, de dépasser le cadre des utilisateurs avertis, de se voir doter d’un cadre légal sans ambiguïté et de pouvoir être lancé à grande échelle. Car pour le chercheur, il est évident que la blockchain, en tant que technologie, n’est qu’un moyen : son objectif est bien de révolutionner les usages.

La blockchain : au commencement était le pair

C’est la crise financière de 2008 qui a précipité l’une des disruptions majeures de notre temps en matière d’échanges d’informations et de transaction. L’essor du bitcoin, cette monnaie électronique cryptographique qui inscrit directement, dans chacun de ses « billets » l’historique des échanges, a été permise par l’invention de la blockchain. Sous ce nom, on désigne le registre virtuel qui permet d’enregistrer toutes les informations, de manière sécurisées, relatifs à un échange ou une transaction. Elle fonctionne selon le modèle du pair-à-pair : la validation des informations se fait de façon décentralisée, sans autorité centrale et unique. Tous les utilisateurs peuvent vérifier l’intégrité du registre, condensé dans un fichier, qui est synchronisé entre tous ces « pairs ».

Le « Block » est donc une donnée brute, correspondant à un ensemble de transactions ou d’informations, qui va s’intégrer de façon condensée à la chaîne. Via un algorithme de cryptage, les blocks validés sont horodatés et ajoutés aux autres blocks, qui forment ainsi une chaîne comprenant l’ensemble des transactions classés par dates d’ajout, mis à jour et disponible instantanément pour tous ses utilisateurs.

La blockchain appliquée à l’énergie

Comment une technologie venue du monde financier et basée sur un modèle pair-à-pair peut-elle s’appliquer au domaine de l’énergie ? Réponse avec Cédric Lewandowski, Directeur Exécutif du Groupe EDF Stratégie, Innovation et Responsabilité d’Entreprise : « Le point commun entre la blockchain et la distribution et la consommation d’électricité, c’est la décentralisation croissante. Au coeur de la blockchain, celle-ci offre de nombreuses perspectives comme les plateformes d’autoconsommation collective qui connaitront de multiples évolutions dans les années à venir en termes de technologies comme de modèles économiques. » En garantissant l’origine de l’énergie consommée et en certifiant les transferts d’énergie entre clients, la blockchain peut accompagner la croissance des solutions de gestion localisée et transparente de l’énergie : l’électricité est « sourcée » et les consommations peuvent être facilement réparties entre les usagers. Les distributeurs gardent par ailleurs la responsabilité des infrastructures, leur cœur de métier.

Cédric Lewandowski voit l’avenir de la blockchain dans l’énergie d’un oeil serein : « L’articulation de la blockchain avec d’autres technologies comme l’intelligence artificielle ou l’internet des objets, rend possible de nouvelles applications dans l’énergie : davantage de sécurité dans les procédés de fabrication de nos équipements, une meilleure traçabilité de l’origine de l’énergie ou des services innovants liés à l’itinérance des véhicules électriques. » Voici ce que, demain, la blockchain pourrait donc apporter aux consommateurs : un contrat où l’origine de l’électricité serait entièrement traçable, pour choisir soi-même son mix énergétique, des ententes pair-à-pair entre producteurs d’électricité d’origine renouvelable et distributeurs, une meilleure télémétrie des dépenses énergétiques, sans intermédiaires… Avec comme projection (optimiste) une part de 10% de l’économie mondiale liée à la blockchain en 2030, l’avenir se joue dès maintenant, dans les expérimentations et innovations que les entreprises énergétiques conçoivent en lien avec cette technologie décidément inspirante.