Le Chief Legal Officer au service du business de l’entreprise

Le Chief Legal Officer au service du business de l’entreprise
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Le numérique bouleverse les codes. Conduisant à l’apparition de nouveaux métiers mais poussant aussi au renforcement de la réflexion stratégique dans les métiers plus « traditionnels ». Avec l’inflation normative, l’intelligence juridique insufflée par les Chief Legal Officer a plus que jamais la part belle.

Paris, La Défense, un jeudi midi. Dans le cadre intimiste d’un restaurant raffiné le rendez-vous est fixé. Pierre C. m’attend, tapotant sur son smartphone. A mon arrivée, il sourit et c’est un échange de poignée de main ferme mais amical qui s’ensuit.  Il est Chief Legal Officer. Une profession de plus en plus convoitée.

Digital, Innovation, Happiness : Chief de quoi ?

Le virage numérique que prend nos sociétés transforme les pratiques, l’entreprise, les métiers. Difficile de passer à côté de ces nouveaux intitulés :  chief happiness officer (littéralement « responsable du bonheur »), chief digital officer (responsable « de la transformation numérique ») et le chief innovation officer (responsable innovation). Le premier s’occupe de maintenir les bocaux à bonbons remplis, tandis que l’autre, le chief innovation officer apparait dans certaines entreprises comme responsable de l’implémentation de nouvelles technologies.

Le chief digital officer a un rôle similaire puisqu’il chapeaute aussi tous les projets de transformations numériques au sein de l’organisation. Les recrutements dans ce secteur ont fait « un bond considérable » me confirme Pierre. Avec un taux de croissance de 3,4% les ESN (entreprises spécialisées dans le numérique) françaises sont perpétuellement en quête de jeunes pousses, capables d’accompagner les entreprises qui peinent à recruter en interne ces talents.

Si les nouveaux métiers offerts par le numérique se multiplient, ils ne peuvent pas, pour des raisons de coûts, être créés dans toutes les entreprises. Ce sont donc souvent aux métiers existants que reviennent la tâche de se mettre « à niveau » en termes de compétences numériques m’explique Pierre. 

Chief Legal Officer : « Numérisation en cours »

Ce qui nous ramène au poste de Chief Legal Officer – ou directeur juridique  qu’il occupe. « Le numérique a été une opportunité imprévue pour renforcer le poids des directions juridiques » concède Pierre, un sourire aux lèvres. Aussi, le Chief Legal Officer a vu ses fonctions renforcées avec la croissance normative. « Nous sommes au cœur de prises de décisions hautement stratégiques », me dit-il à mi-voix. Le directeur juridique s’inscrit dans une véritable démarche d’intelligence juridique. Il est tenu alors de connaître les objectifs stratégiques sur « le bout des doigts » insiste Pierre. A cette stratégie sue par cœur s’ajoute la nécessité d’élaborer une veille législative constante afin d’anticiper ou de réagir en cas de changements juridiques susceptibles d’affecter le business de l’entreprise. Axel Jurgensen, associé et Responsable Afrique, Day One estime que cette capacité « d’anticipation et de proactivité permet au directeur juridique d’être un véritable « business partner ».

C’est ce que confirme une enquête publiée par l’Association mondiale des juristes d’entreprise (ACC), intitulée « Chief Legal Officer Survey 2018 ». Elle montre que 64% des 1 300 directeurs juridiques interrogés relèvent directement de la direction générale. Et parmi eux, 61% travaillent avec le comité exécutif et le conseil d’administration sur la stratégie, les risques juridiques et les risques réglementaires d’opérations clefs pour leur entreprise. Ce qui confirme leur poids croissant.

Mais plus largement, tous les métiers sont touchés par le virage numérique et le « Big Bang de la donnée ». Cet « or noir » que représentent les données sont une « opportunité » à saisir, selon Mounir Mahjoubi Secrétaire d’Etat, chargé du numérique. L’arrivée de nouvelles contraintes légales et règlementaires pèse sur l’entreprise et entraine de facto de nouveaux besoins. Pour celles-ci, c’est l’occasion de repenser le cycle de vie de la donnée. Stratégique, donc, puisque son exploitation permet de dégager de nouvelles perspectives pour l’entreprise. Le RGPD a ainsi propulsé sous les feux des projecteurs le métier de Chief Data Officer. Comme le constate Antonin Torikian, directeur de l’Institut Fabernovel « La question digitale s’institutionnalise partout dans la société. Alors la fonction de CDO s’officialise et apparaît dans les organigrammes ». Mais toutes les entreprises ne se dotent pas d’un CDO. D’où le renforcement des fonctions et responsabilités du Chief Legal Officer.

Pousser la rationalité des investissements digitaux au maximum

On comprend mieux alors l’apparition d’un nouvel enjeu : celui de la rationalisation des outils numériques avec lesquels les salariés ont dû mal à jongler. Ces derniers perdraient en moyenne une heure par jour à basculer entre les différentes interfaces ou outils numériques. « Le marché des solutions de gouvernance est très porteur. Les entreprises sont plus que jamais sensibles aux enjeux de sécurité. Pour faire face à l’augmentation du volume de leurs données, des risques juridiques et des contraintes réglementaires, elles doivent davantage s’équiper d’outils numériques professionnels, collaboratifs et sécurisés », déclare Yves Garagnon, CEO de DiliTrust.Certains éditeurs ont bien compris l’opportunité à saisir. Pour respecter le besoin de rationalité des outils numériques en limitant la multiplicité des outils de communication et de travail collaboratif, certains proposent de tout regrouper au sein d’une seule et même plateforme. L’utilisateur peut alors réaliser toutes les tâches d’annotations ou de travail collaboratif qu’il souhaite.

Une tâche ardue puisque la rationalisation se heurte au besoin de « casser » les silos tout en préservant le patrimoine informationnel de l’entreprise. Des enjeux qui exigent d’être pris au sérieux lorsque l’on connait les dégâts irréparables d’une fuite de données. Le 14 mars dernier, l’un des dirigeants d’Equifax a été condamné pour délit d’initié. Il avait revendu ses parts dans la société juste avant que l’annonce de la fuite massive de données dont avait été victime l’entreprise soit connue. Une perte de données dramatique lorsque l’on sait que l’entreprise était spécialisée dans la vérification de la solvabilité et de la capacité de remboursement des personnes souhaitant accéder à des crédits. Des « données » d’une grande valeur..