CNIL : une nouvelle tête dans une période brûlante

CNIL : une nouvelle tête dans une période brûlante
Souveraineté numérique

Proposée par l’Elysée pour remplacer Isabelle Falque-Pierrotin, Marie-Laure Denis a été nommée à la tête de la CNIL le 31 janvier par l’Assemblée Nationale et le Sénat. Ancienne membre du CSA et de l’Arcep, elle devra diriger le gendarme des données dans une période cruciale. Parmi les chantiers prioritaires : le RGPD, le Privacy Shields, l’éventuelle levée de l’anonymat sur Internet.

La CNIL sera au cœur de débats fondamentaux des mois à venir, sur le front d’Internet, de la liberté et des données. L’autorité vient de changer de direction. Son ancienne présidente, Isabelle Falque-Pierrotin, a été nommée pour encadrer le Grand Débat National. Avant son départ, elle a eu le temps d’infliger une amende historique à Google.

Une haute-fonctionnaire, ayant fait carrière dans les autorités administratives

Pour lui succéder, l’Elysée a proposé une haute fonctionnaire rompue à ces questions. Après avoir travaillé durant 15 ans pour différentes autorités administratives, dont le CSA et l’Arcep, Marie-Laure Denis prend la tête de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés. Sa nomination est devenue officielle le jeudi 31 janvier 2019, après une double validation par l’Assemblée Nationale (35 voix sur 37) et par le Sénat (48 avis favorables sur 55).

La CNIL disposera cette année d’un budget de 17,6 millions d’euros, en augmentation de 400 000 euros, notamment pour faire face aux enjeux du RGPD, désigné « première priorité » par la nouvelle présidente.

Le RGPD, « première priorité » de la CNIL

L’application et la défense de ce texte majeur, cité en exemple par le monde entier, permettront, on peut le souhaiter, de redonner aux citoyens européens (et notamment français) un plein contrôle de leurs données personnelles. Le tout sans entraver l’innovation, les modèles s’appuyant sur la collecte et l’agrégation des données, et l’avènement de la smart city.

Une sorte de quadrature du cercle, dont Marie-Laure Denis est parfaitement informée : « On peut assurer un niveau de protection élevé des données personnelles tout en permettant aux entreprises de se développer et aux collectivités publiques de mener leurs politiques », a-t-elle affirmée devant les députés, posant les bases du problème. L’objectif fixé est louable, mais n’est pas encore, loin s’en faut, une réalité.

Négociations en vue pour le Privacy Shield ?

Autre dossier complexe mêlant gouvernance et traitement des données : le Privacy Shield. L’accord sur le traitement des données de citoyens européens collectées par des entreprises américaines continue d’être critiqué de toutes parts. Il manque de robustesse, de moyens de contrôle, d’efficacité. Il reste en place, comme un pis-aller, mais sa révision et son amélioration semblent, aujourd’hui, indispensables.

Il faudra, pour cela, convaincre les partenaires d’Amérique du Nord, et la France, historiquement un acteur majeur de la protection des données, aura un rôle à jouer, via notamment la CNIL.

La levée de l’anonymat sur Internet : un débat qui s’annonce animé

Un autre débat passionné attend Marie-Laure Denis, mais franco-français celui-là. Il s’agit de l’éventuelle levée de l’anonymat sur Internet – du moins sur l’Internet français. Le président de la République Emmanuel Macron s’est publiquement déclaré pour, pendant que certains de ses ministres, dont celui de la Culture, Franck Riester, prenaient parti contre cette levée.

La nouvelle directrice de la CNIL, diplomate, ne s’est pas prononcé sur le fond, mais a admis la nécessité d’un débat. Devant les sénateurs, elle a affirmé que la levée de l’anonymat était « un sujet sur lequel il serait opportun de porter une réflexion » ; devant les députés, elle a poursuivi : « C’est un vrai débat qui dépasse la CNIL mais auquel elle peut participer. Ce n’est pas une réponse très précise, mais les enjeux sont essentiels ».

Elle a ainsi reconnu que « l’anonymat favorise certainement les propos illicites, la violence qui est condamnable et qu’il y’a un équilibre à trouver entre la protection de la vie privée sur internet et la responsabilité des auteurs de propos engagés à plus d’un titre ». Un bel exercice de ménagement de la chèvre et du chou. Ou de langue de bois, suivant votre point de vue…

Affaires à suivre.