Le numérique : un secteur à valoriser auprès des femmes

Le numérique : un secteur à valoriser auprès des femmes
Innovation

Malgré des perspectives économiques réjouissantes, le secteur du numérique compte de moins en moins de femmes. Pour combattre les stéréotypes sur l’image masculine des métiers de l’informatique, des initiatives voient le jour.

Avec un chiffre d’affaires annuel de 54 milliards d’euros, 54 000 embauches en 2017 et un taux de croissance estimé à 3,6 % en 2018, le secteur du numérique se porte très bien en France, selon les chiffres de Syntec numérique et de l’Apec. Pour preuve, 94 % de ses professionnels sont en contrat à durée indéterminée, et 69 % bénéficient du statut de cadre. Problème : les effectifs n’étaient constitués que de 33 % de femmes en 2017, essentiellement dans les fonctions supports comme les ressources humaines, l’administration, le marketing et la communication. Dans le codage, elles n’étaient ainsi que 27 %, et seulement 16 % dans les métiers stratégiques (études et développement), 14 % en technique (installation, maintenance, support et services aux utilisateurs) et à peine 9 % à la tête de start-up… Plus grave encore, la pénurie de femmes tendrait à s’accroître puisqu’il y avait 20 % de techniciennes informatiques dans les années 80. Les étudiantes seraient en effet de moins en moins nombreuses dans les formations à l’informatique (moins de 15 %), alors que la filière des sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC) faisait partie des plus mixtes à cette époque. « Les métiers du numérique sont nombreux et les carrières rapides. Il est vraiment dommage qu’ils n’attirent pas plus les femmes car nous créons aujourd’hui l’inégalité de demain », déplore Véronique Lacour, Directeur Exécutif Groupe Transformation et Efficacité Opérationnelle chez EDF. Véronique Di Benedetto, présidente du réseau Femmes du numérique va encore plus loin « C’est un cercle vicieux : moins il y a de femmes, moins elles sont attirées par ces métiers, observe-t-elle. Pourquoi se priver de 50 % des talents ? ». Car si la raréfaction féminine pose un problème au secteur, c’est parce que leur présence accrue, synonyme de davantage de diversité et des bénéfices qui y sont associés en entreprise, représenterait une augmentation de 9 milliards d’euros du PNB de l’Union européenne. Selon une étude du cabinet McKinsey, la parité hommes-femmes génèrerait même plus de 200 milliards d’euros de PIB supplémentaire à l’échelle mondiale, soit 10 % de plus !

Les stéréotypes ont la dent dure !

Pour expliquer cette désaffection, certains mettent en avant l’absence de modèles féminins auprès des lycéennes et étudiantes. « Dans une filière où peu de femmes exercent, les jeunes filles pourront avoir l’impression que ce métier n’est pas pour elles », résume un rapport de l’Opiiec (Observatoire paritaire des métiers du numérique, de l’ingénierie, des études et du conseil). Pourtant, l’histoire montre que plusieurs femmes ont été des pionnières dans le secteur, à commencer par la Britannique Ada Lovelace, inventrice du premier programme informatique dans la première moitié du XIXe siècle, puis l’actrice autrichienne Hedy Lamar, conceptrice de l’ancêtre du wifi pendant la Seconde Guerre mondiale, ou encore l’Américaine Joyce Weisbecker, première programmeuse de jeux vidéo indépendants à la fin des années 70. Aujourd’hui, même si elles sont malheureusement tombées dans l’oubli, d’autres incarnent ce génie féminin dans le numérique, comme les Françaises Aurélie Jean, considérée comme la reine du code, Alice Comble, ingénieure et fondatrice d’une borne connectée de collecte des mégots (GreenMinded), ou encore Roxanne Varza, directrice de la Station F à Paris… Mais les stéréotypes ont la dent dure, à en croire les conclusions du groupe de recherche Gender@Telecom, qui s’est intéressé au sujet. « Les femmes n’aiment pas l’informatique, cela ne leur plaît pas, par exemple… Ce sont des représentations non démontrées, qui ne correspondent pas à la réalité !, explique Chantal Morley, chercheure à l’Institut Mines-Télécom Business School (IMT BS). On pourrait penser qu’il n’existe plus ce type de représentations différenciées chez les étudiants et les étudiantes, ce qui est faux. Lors d’une étude menée en Suisse, nous nous sommes aperçus que les conseillers d’orientation sont également très imprégnés par ces stéréotypes. »

Sensibiliser les femmes sur les métiers du numérique

Pour lutter contre l’idée que l’informatique est un milieu masculin, les initiatives qui prennent forme s’attachent donc principalement à changer l’image du secteur. L’application Adabot, chatbot intelligent au nom inspiré par Ada Lovelace, informe ainsi les femmes des opportunités de travail dans le numérique. Sur le terrain, la startup IT4Girls tente, quant à elle, d’éveiller au numérique les filles à partir de huit ans via des ateliers de découverte. La déconstruction des stéréotypes passe également par l’organisation de journées de sensibilisation comme le Girls Tech Day, un forum sur les métiers du numérique organisé le 17 novembre 2018 à Paris par le Conseil national des femmes françaises (CNFF). Pour avoir plus d’impact, les professionnelles se regroupent, à l’image de la fondation Femmes@Numérique, qui soutient les actions favorisant la parité et l’égalité hommes-femmes dans les métiers du numérique. De plus en plus nombreuses, ces initiatives ont trouvé un écho à l’échelle européenne à travers la voix de Mariya Gabriel, commissaire européenne du numérique. Elle est à l’origine de plusieurs campagnes visant à promouvoir la mixité dans les conférences sur le numérique, les entreprises et les filières d’études technologiques.