My Data Is Rich : revendre ses propres données personnelles, vraiment ?

My Data Is Rich : revendre ses propres données personnelles, vraiment ?
Réglementaire

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Les données personnelles sont l’or blanc des nouvelles technologies : fonds de commerce de Google ou Facebook, au cœur des scandales du moment, une start-up française, My Data Is Rich, nous propose de reprendre la main en vendant nous-même nos propres données. Nouvelle façon d’arrondir ses fins de mois, reprise de contrôle sur le traitement de nos données, ou nouvelle étape dans le mort de notre vie privée ?

Longtemps, très longtemps, les géants du net ont cherché à le cacher au grand public, mais les scandales récents, en premier lieu l’affaire Facebook-Cambridge Analytica, l’ont révélé au grand jour : les données personnelles sont le bien le plus précieux des groupes comme Google ou Facebook.

« Si c’est gratuit, c’est vous le produit »

Leur revente à des régies publicitaires ou autres organismes de marketing, sociologique ou politique, est la première source de revenu de ces entreprises. Suivant le vieil adage, « Si c’est gratuit, c’est vous le produit », ces données personnelles permettent aux marques de vous proposer des publicités ciblées, ou de mieux connaître leurs acheteurs.

Ces données génèrent un business en augmentation exponentielle, faisant peser de constantes menaces sur la vie privée des citoyens – la collecte illégale de données est un bon moyen de reconnaître un grand groupe des nouvelles technologies ou des médias, tant ils sont nombreux à avoir été attrapé la main dans le sac !

My Data Is Rich : une reprise en main du sort de vos données ?

D’où l’idée de My Data Is Rich, une start-up de la Rochelle, fondée et dirigée par Eric Zeyl, qui ambitionne de « bousculer l’univers de la data » : proposer aux particuliers de choisir les données que la start-up va revendre à des tiers, et se partager les gains, moitié pour le particulier, moitié pour l’entreprise. Parmi les tiers acheteurs figurent banques et assurances, publicitaires, collectivités publiques ou constructeurs automobiles.

Retourner un paradigme est toujours savoureux : après avoir vu nos données personnelles collectées, voire pillées, puis revendues pendant des années par les géants du net sans nous rapporter un centime, pouvoir gagner un peu d’argent avec elles semble une douce revanche.

Vers un « marché vertueux » de la donnée ?

D’autant que My Data Is Rich donne un contrôle complet à ses utilisateurs sur lesdites données : « Chacun est libre de fournir tel ou tel type de données. Mais plus il en fournit, plus il est susceptible de gagner de l’argent. Et les contributeurs connaîtront le secteur d’activité ayant acheté leurs données, et l’usage qui en est fait » détaille Eric Zeyl.

Autre point rassurant : les données seront parfaitement protégées et anonymisées, stockées en France, dans un soucis de transparences. Tout souscripteur devra signer un document de cinq pages détaillant tous les mécanismes du dispositif : « Droit à l’oubli, protection des données, anonymisation, versement des gains : tous leurs droits et nos engagements y sont détaillés » complète Eric Zeyl.

Et si le service est lancé le 25 mai, jour d’entrée en vigueur du RGPD dans l’Union Européenne, c’est tout sauf un hasard : My Data Is Rich respecte l’ensemble des devoirs de ce règlement, et veut être une des premières entreprises à se lancer dans le nouveau marché des données, plus encadré, plus sûr, plus rassurant pour les utilisateurs – un « marché vertueux », espère Eric Zeyl.

« Les données de mobilité ont une énorme valeur »

Concernant les données fournies, elles restent très classique – âge, sexe, véhicule et statut matrimonial, nombre d’enfants ou catégorie socioprofessionnelle –, associée à des habitudes de consommation ou de vie.

Mais la pierre de touche de My Data Is Rich, le service sur lequel la start-up espère bâtir son succès, est un petit boitier, ayant la forme d’un Y. Doté d’un accéléromètre, d’un GPS, d’un capteur de température et d’un gyroscope, il peut être connecté à la voiture de l’utilisateur, et transmettre directement les données sur sa conduite automobile.

« Ces données de mobilité, bien plus que nos données socio-économiques, ont une énorme valeur. Surtout si l’on peut les associer à des profils précis : un homme marié, père de famille, etc. Un publicitaire, par exemple, a tout intérêt à savoir qui passe devant ses panneaux et à quelle heure. Les collectivités, elles, pourraient mêmes en déduire où se trouvent les nids-de-poule sur les routes » détaille Eric Zeyl.

Une marche de plus vers la fin de la vie privée…

Le modèle économique semble viable, le soucis de sécurité et de transparence louable et rassurant, et les gains, estimés à une trentaine d’euros par mois, raisonnables. Pour autant, une telle entreprise est-elle morale et souhaitable ?

Gagner de l’argent, oui, en ayant l’impression de doubler les géants du net, très bien – mais c’est oublier un peu vite que les GAFA continueront de collecter vos données et que, même anonymisées et choisies volontairement, la collecte de ces données participe à un fichage généralisée de toute activité d’un être humain.

La position de My Data Is Rich semble parfaitement saine, le RGPD encadre cette collecte, mais mettre le doigt dans cet engrenage ouvre la voie à d’autres entreprises de ce type, pas toutes aussi vertueuses. Les dangers qu’elles éveillent semblent bien réels, et le modèle de société et de vie quotidienne qu’elle propose rappelle de plus en plus les pires scénarios de science-fiction. La fin définitive de la vie privée ? Si les individus deviennent volontaires, même en gagnant de l’argent, nous y courrons tout droit…